La gourde forte, miracle de Jean Baden Dubois ou effet papillon ?

Le Nouveliste
Frantz duval

Le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti, en conférence de presse le 26 août dernier, a suggéré, devant les journalistes, qu’un groupe de manifestants réclament un dollar à 5 gourdes au lieu de se contenter d’exiger un dollar à 40 gourdes.
La salle avait gentiment souri.
Les manifestants en question étaient maintenus loin de la salle de conférence par un important déploiement des forces de l’ordre.
Le jour est peut-être venu de demander au gouverneur d’aller jusqu’au bout de sa suggestion et de ramener le dollar à la parité fixe de 5 gourdes pour un dollar.
Jean Baden Dubois est en train de devenir un faiseur de miracles. Autant en profiter.
Le gouverneur de la banque des banques vient de provoquer un mouvement d’appréciation de la monnaie nationale comme on ne l’avait jamais vu dans l’histoire du pays depuis cent ans.
Sans changement de régime politique, sans catastrophe naturelle, sans apport extraordinaire de devises dans l’économie, la gourde a pris de la valeur comme jamais.
Le jour de la conférence de presse du gouverneur, le billet vert s’échangeait encore autour de 120 gourdes pour un dollar, en dépit de l’injection de 47 millions de dollars sur le marché des changes. Du 26 août au 4 septembre, toutes les digues ont sauté. Le dollar ne vaut plus que 100 gourdes ce vendredi à la vente. En province, à Léogâne particulièrement, même pour 80 gourdes on ne trouvait pas preneur.
Ce n’est plus un choc. C’est un krach.
Si certains se disent que c’est le moment de revenir à 5 gourdes pour un dollar, d’autres se demandent quelles seront les conséquences de cette chute accélérée de la valeur du dollar en Haïti.
Le gouverneur de la banque centrale a-t-il provoqué un mouvement qui va créer de la richesse ou détruire de la richesse ?
Qu’est-ce qui supporte la force retrouvée de la gourde ?
Qu’est-ce qui a changé dans les fondamentaux de l’économie nationale ?
Haïti exporte-t-il plus ?
Haïti importe-t-il moins?
La consommation s’est-elle effondrée?
La demande de biens et services va-t-elle se réduire drastiquement?
La banque centrale a-t-elle assez de dollars pour satisfaire toutes les demandes du marché ?
Allons-nous vivre en gourdes seulement ?
Le gouvernement va-t-il réussir à faire afficher les prix à la baisse dans tous les secteurs et à décrocher les prix affichés du dollar ?
Il y a tellement de questions qui n’ont pas de réponses ce vendredi 4 septembre.
Le silence des autorités est si assourdissant qu’on se demande si comme le commun des mortels ils ne sont pas saisis d’effroi devant le nouveau monde qui se dessine. Comme les vigiles du Titanic qui découvrent l'iceberg...
L’effet papillon est l’effet que provoque un geste anodin qui conduit à des changements majeurs ou à des catastrophes.
Le gouverneur Dubois a-t-il réussi un miracle ou déclenché le fameux effet papillon ?
Le miracle relève du divin. L’effet papillon de la théorie du chaos. Dans tous les cas ce qui se passe est vertigineux.
On découvre brusquement que la banque centrale est en mesure de nous épargner le dollar cher. Pourquoi cela n’arrive que maintenant est l’une des questions supplémentaires encore sans réponse ce vendredi.
Il est trop tôt pour y répondre. Trop tard pour déplorer le retard pris par la BRH pour agir.
Tout le monde devra attendre, observer et agir avec circonspection.

 

Et pour finirune question: c’est HPN qui la pose

QUI SONT LES VRAIS MAITRES DU SYSTEE BANCAIRE EN HAITI ?

C'est la question qui se pose les citoyens depuis le miracle financier qui s'est produit et qui continue en début de semaine avec une chute spectaculaire du dollar face à la gourde passant de 125 à 98 gourdes pour un dollar ce weekend. Dans les ménages cette nouvelle est reçue avec scepticisme et stupéfaction ne sachant comment expliquer ce retournement de situation qui a pris tout le monde au dépourvu. Une situation qui aura montré que ce système est dirigé par des mains de maitre mais avec une complicité de certains acteurs du public.

Même si les économistes tardent à réagir, certains croient que l'injection des 150 millions de dollars annoncée par la banque centrale haïtienne a eu ses effets mais d'autres plus prudents pensent que la sanction prise par la BRH sous la pression gouvernementale contre les banques qui font de la spéculation empêchant une circulation du billet sur le marché des changes a été l'élément clé de cette chute du dollar dans le pays. D'ailleurs, au mérite de l'économiste Eddy Labossière, l'un des rares a critiqué les banques qui pratiquent la spéculation, et qui croit que le taux normal aujourd'hui devait être de 60 gourdes pour un dollar.

Qu'est ce qui s'est passé exactement ?
Cela fait longtemps que la Banque Centrale injecte des billets verts dans le système financier haïtien et cela n’a jamais donné de résultat, pourquoi donc ce serait le cas aujourd’hui ? Donc la première thèse ne tient pas évidemment. Pour l’approche qui veut que la sanction contre les deux banques qui font de la spéculation du dollar, a porté ses fruits, elle est plausible. Toutefois, il faut rester prudent face à des institutions financières haïtiennes qui, avec toute une batterie d’avocats, ont accepté sans maugréer cette lourde sanction qui leur a été imposée ?

Ce n’est pas un péché mortel si les sceptiques croient qu’une entente a été trouvée entre les différentes parties du système et la Unibank, qui est d’ailleurs la plus fortement sanctionnée avec 864 millions de gourdes de pénalités, a accepté cette mesure sachant que la chute du dollar face à la gourde valorisera automatiquement cette grande institution financière dont les actifs sont libellés en monnaie locale. Mais pas sans conséquence, car elle pourrait avoir de grandes difficultés à la fin de l’exercice fiscale à verser des dividendes à ses actionnaires. Alors que Capital bank a reçu seulement 3,4 millions de gourdes de pénalités.

Le pire dans cette situation, c’est qu'un excédent de 100 millions de dollars est enregistré sur le marché du transfert avec la mesure de l’Administration Trump de supporter les ménages suite aux effets dévastateurs de la crise sanitaire. Il n’y a donc aucune raison de faire de la spéculation. On connait certes la réponse du Scorpion à l’âne : " Je ne peux m’empêcher de piquer". Les banques ont tellement l’habitude de la spéculation qu’elles ne peuvent s’empêcher de le faire malgré les risques de provoquer une explosion sociale dans le pays.

La méchante complicité entre la BRH et les chefs du système bancaire
Cette chute miraculeuse du dollar face à la gourde aura révélé une dure complicité entre la Banque centrale et les autres acteurs du système pour étrangler une population qui est déjà dans une situation d’extrême pauvreté, sans emploi, qui vit, pour la grande majorité, des transferts venus de l’étranger. Et c’est bizarre que des économistes très connus du pays n’aient pas mis l’accent sur cet aspect terrifiant de notre système bancaire.

Le marché du transfert est pris systématiquement en otage par les grands commerçants de la place qui font de l’importation des produits leur priorité au lieu d’investir dans la production agricole locale. Ces derniers ont toujours besoin de devises pour placer leurs commandes. La meilleure façon de s’assurer que le dollar est disponible est d’empêcher sa circulation. Une décision qui a un effet pervers sur la vie de la population. Et la BRH le sait et n’a jamais rien fait pour le stopper préférant le saupoudrage avec l’injection de devises sur le marché au lieu d’agir comme une véritable police des banques.

Jusqu’à ce que le gouvernement ait décidé de mettre une épée Damoclès sur la tête du gouverneur Jean Baden DUBOIS qui n’avait qu’un choix : la régularisation de la situation ou la révocation. La menace était réelle car le chef de l’Etat est dans une situation politique extrême, il lui fallait sortir sa tête de l’eau. Et ceci a été habilement fait, d’autant plus que dimanche, il a demandé au gouvernement et notamment à ses alliés indirectement de faire un geste en agissant sur les prix de la consommation. On verra si sa voix sera entendue.

Mais, ce crash remarquable du dollar a aussi montré la méchanceté des acteurs du système qui ont longtemps refusé d’octroyer des prêts à des entrepreneurs qui pourraient créer des centaines et même des milliers d’emplois dans ce pays dont 60% de la population est constituée de jeunes. Les banques pratiquent trop souvent de la discrimination en gardant les crédits pour les importateurs au lieu de faciliter la création d’entreprises locales notamment les PME qui constituent aujourd’hui une source sure de création de richesse dans des pays comme la Chine, la France, l’Indonésie, le Brésil etc. Pourquoi faire venir des masques pour 18 millions de dollars de Chine alors que des PME en Haïti pouvaient facilement les produire ? Ces ateliers feraient appel à des centaines de jeunes filles et garçons qui vivent au jour le jour.

Aujourd'hui, nous connaissons les vrais maîtres du système bancaire haïtien. Une élite économique qui travaille au détriment de la stabilité sociale du pays et qui ne fait que creuser le fossé entre riches et pauvres. D'ailleurs, la pauvreté, l’expansion des gangs armés, le manque de moyens pour ramasser les ordures dans les ménages, sont des résultantes de cette méchanceté pratiquée dans ce système financier, ajoutée à la mauvaise gouvernance et la corruption déclarée dans le pays.

Au moins, la population a la garantie que le billet vert pourrait se stabiliser jusqu’au mois de décembre, le temps pour le gouvernement d’adopter des mesures stratégiques pour relancer l’économie comme par exemple la mise en place d’un nouveau système de crédit rapide pour les entrepreneurs moyens et en faveur de groupes d’étudiants finissant avec au passage la création d’un fond de garantie pour absorber les chocs et supporter les nouveaux investisseurs en cas de faillite.

L’exercice fiscal se termine le 30 septembre prochain, avec certainement la valorisation des actifs des banques puisque la gourde a pris de la valeur. Et si les banques profitaient de la pression gouvernementale pour gonfler leurs actifs pour reprendre la même pratique à l’ouverture de la nouvelle année fiscale ? Une question qui devrait préoccuper les autorités financières pour empêcher une nouvelle dégringolade provoquée.