Le Musée National de Rio de Janeiro, détruit par les flammes cette nuit, n'était pas seulement l'ancienne résidence de la famille impériale. C'était aussi et surtout le lieu de conservation de 20 millions de pièces désormais intégralement parties en fumée. Fossiles, squelettes de dinosaures, et les restes de Luzia, la plus ancienne homo sapiens des Amériques. Objets et œuvres d'art de centaines de peuples amérindiens aujourd'hui disparus. Des enregistrements de langues indigènes oubliés à jamais. Des collections entomologiques et botaniques témoignant de l'extraordinaire biodiversité du pays. La plus grande collection d'égyptologie d'Amérique latine. Une partie des archives de la période impériale. La plus grande bibliothèque d'anthropologie du Brésil. Le Musée est la plus importante institution de recherche et d'enseignement du pays dans cette discipline.
Or cet incendie n'est pas un malheureux et inévitable accident. Il est le résultat de l'état déplorable du bâtiment et de l'absence de protection contre le feu : extincteurs vides, bouches d'incendie non alimentées, pas de système d'arrosage par le toit.
Une situation ancienne, aggravée ces deux dernières années par les coupes franches promues par le gouvernement Temer. Cet incendie est le signe de la faillite de l'État brésilien à conserver son patrimoine le plus précieux, donc à exister comme État. La faillite d'un discours qui prétend tout confier au marché, qui clame l'inutilité du service public, tout en rémunérant plus que grassement une toute petite partie de sa classe politique et de sa fonction publique.
Un modèle que pourtant les Brésiliens ont obstinément rejeté dans les urnes depuis 15 ans, qu'on leur impose malgré tout, au prix désormais de la destruction par les flammes de leur histoire, et la mémoire de leur peuple. Tragique.