C’est le Numéro UN de la MINUSTAH qui parle Il s’agit de Nigel Fisher nommé récemment chef par interim de la Mission des Nations Unies pour la Stabiisation en Haïti A l’occasion de sa première conférence de presse Nigel Fisher a déclaré en substance: « Je suis en Haïti depuis plus de trois ans, travaillant surtout dans le domaine humanitaire et de développement. De cette expérience, j’ai tiré la conclusion suivante : quelle que soit la manière dont nous soutenons Haïti pour le renforcement de la sécurité et de la stabilité, pour l’appui à la gouvernance démocratique et à la légitimité de l’Etat, pour l’établissement de l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme, il nous faut constamment nous poser la question : quelle différence cela fait pour le plus pauvre des Haïtiens ? Est-ce que ce que nous entreprenons va améliorer sa vie de manière tangible ? Je comprends et soutiens totalement le désir des Haïtiens d’être pleinement en charge des affaires de leur pays. Le travail de la MINUSTAH et des autres partenaires d’Haïti est de l’accompagner sur ce chemin. Mais qu’est-ce que la souveraineté si elle n’inclut pas tous les Haïtiens ? Qu’est-ce que la souveraineté pour la grande majorité des Haïtiens qui vivent dans la pauvreté, qui ne savent pas d’où proviendra leur prochain repas, qui ne peuvent pas trouver un emploi à un salaire décent, qui sont criblés de dettes ? Qu’est-ce que la souveraineté pour la mère qui est forcée d’envoyer son enfant en ville pour devenir un restavek ? Qu’est-ce que la souveraineté si tous les Haïtiens ne sont pas égaux devant la loi ? Qu’est-ce que la souveraineté si les opportunités ne sont réservées qu’à un petit groupe ? Je rentre juste du Siège des Nations Unies à New York, où j’ai rencontré les membres du Conseil de sécurité, les Etats-membres du Groupe connu sous le nom des Amis d’Haïti, ainsi que les principaux responsables des Nations Unies. Je dois vous confier que les sentiments communs auxquels j’ai été confronté ont été la préoccupation et une certaine frustration. Il y a un an, nous célébrions des succès, comme la création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, la publication des amendements constitutionnels et une amélioration de la sécurité, notamment en matière de violence, d’homicides, et de cas de kidnapping. Mais aujourd’hui, l’impression générale qui prédomine au sein des membres du Conseil de sécurité et des Amis d’Haïti, c’est celle d’une impasse. Il y a bien sûr eu des progrès, mais ils ont été beaucoup, beaucoup plus lents que ceux auxquels nous nous attendions au début de 2012. Les investissements n’ont pas atteint le niveau espéré. La croissance du PIB n’a été que de 2,5% l’année dernière, bien loin des 8% prévus en début d’année. Pourquoi la Croissance a t-elle été si faible? Pourquoi ? On peut blâmer les partenaires extérieurs pour leur lenteur à débourser l’assistance promise. Mais le problème est bien plus large. Lorsque les amis d’Haïti et les investisseurs potentiels se demandent si « Haïti est ouverte aux affaires », si Haïti est « open for business », certains répondent oui mais la majorité, après un temps de réflexion, disent : « Pas encore ». Pourquoi cela ? Et bien d’abord à cause des processus d’offres, de contrats et d’attributions des marchés. Peu d’acteurs les considèrent suffisamment justes et transparents pour garantir une compétition saine. Le Président Martelly a identifié ses questions comme des problèmes nécessitant des réformes pour garantir la protection des investissements, tout comme les douanes et les impôts, ainsi que les conditions de création d’entreprises. Mais ces réformes sont toujours en cours. Le Pouvoir Judiciaire manque d’Indépendance. D’autres amis d’Haïti ont exprimé leur préoccupation concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il est primordial que la justice puisse faire son travail de manière indépendante et que les garanties de procédure soient respectées. Le peuple haïtien doit pouvoir jouir d’un système judiciaire où tous sont égaux devant la loi. Mais, s’il y a une question qui domine le discours et qui cristallise la déception des amis d’Haïti aujourd’hui, c’est celle de l’impasse dans l’organisation des élections. Selon la Constitution d’Haïti, les élections pour les Sénateurs élus en 2006 devaient avoir lieu avant la fin de leur mandat en janvier 2012. Nous voilà aujourd’hui, plus de 13 mois plus tard, et l’élite politique haïtienne est toujours en train de tenter de trouver un compromis qui semble hors d’atteinte pour former la base d’un accord permettant d’avancer vers ces élections. Des élections qui doivent en outre être crédibles, justes et inclusives. Pourquoi Haïti n’est-elle pas encore Open For Business Si un domaine symbolise les politiques d’exclusion et de faiblesse institutionnelle, et montre pourquoi Haïti n’est pas encore « open for business », c’est le manque de progrès pour jeter les bases de telles élections. La semaine dernière, lorsque j’ai rencontré les Présidents des deux chambres législatives, on m’a laissé croire que la Commission bicamérale annoncerait sa décision concernant les représentants au CTCEP hier, le 14 février. C’est ce que j’ai annoncé au Conseil de sécurité et aux amis d’Haïti cette semaine. Mais cela ne s’est pas produit. Comme me l’a dit mardi dernier un très bon ami d’Haïti, originaire de cet hémisphère : « Siempre manana. Seguro que un dia, tiene que ser hoy ». « Toujours demain. C’est sûr, un jour, cela doit être aujourd’hui ». Dans un mois, le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur Haïti sera l’objet de débat au Conseil de sécurité. Je serai là pour le présenter. Le projet de rapport actuel n’est pas si optimiste. C’est pourquoi, ces prochaines semaines, - et nous n’avons pas beaucoup de temps -, j’espère pouvoir travailler avec les dirigeants du pays, le Gouvernement, l’Exécutif et le Législatif pour pouvoir témoigner de progrès tangibles. Le symbole de ce progrès, comme je l’ai dit, ce seront des preuves d’une sortie de l’impasse des élections : un accord sur une date, la mise en place du CTCEP et, je l’espère, au moins un accord politique ad minima sur les étapes à suivre pour mettre ce processus d’élections en mouvement. LA MINUSTAH et les amis d’Haïti sont prêts à accompagner Haïti dans toutes ces étapes pour garantir la tenue d’élections crédibles le plus tôt possible, cette année. Une Feuille de route pour les prochaines années Le Conseil de sécurité et le Secrétaire général m’ont aussi demandé de préparer, avec le Gouvernement haïtien, une feuille de route pour les prochaines années, qui va définir clairement un ensemble limité de priorités pour la MINUSTAH, afin de promouvoir la stabilité et la sécurité, de renforcer l’Etat de droit, le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance. Cette feuille de route établira aussi de manière transparente les conditions dans lesquelles la MINUSTAH sera en mesure de poursuivre la réduction de ses effectifs. Cette feuille de route devrait être incluse dans le Rapport du Secrétaire général que le Conseil de sécurité examinera à la mi-mars. Donc, encore une fois, nous avons peu de temps. Hier, dès mon retour de New-York, j’ai rencontré le Premier ministre Lamothe et nous avons convenu que dans les prochaines semaines, le Gouvernement et la MINUSTAH vont travailler ensemble pour finaliser cette feuille de route qui nous permettra d’évaluer nos progrès ensemble et qui permettra au Conseil de sécurité d’en faire autant. Proposition de quatre Priorités J’ai proposé quatre priorités centrales pour cette feuille de route : • Premièrement, renforcer la sécurité, en particulier en augmentant le nombre, la qualité et la répartition de la Police Nationale d’Haïti ; • Deuxièmement, renforcer l’autorité du Conseil électoral permanent pour qu’il assume la pleine responsabilité et l’appropriation nationale de l’organisation et de la tenue des élections futures. • Troisièmement, renforcer la culture de l’Etat de droit et des Droits de l’homme en soutenant le renforcement de mécanismes de base fonctionnels et responsables, comme le Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire, la Cour supérieure des Comptes et des Contentieux administratifs, l’Inspection générale de la PNH et l’Office de la Protection du Citoyen et de la Citoyenne, entre autres ; et de soutenir plus largement la réforme législative qui est cruciale. • Quatrièmement, dans le domaine de la bonne gouvernance, soutenir le renforcement des institutions de l’Etat pour faire les réformes politiques essentielles et renforcer les mécanismes décentralisés et participatifs. Je reviendrai vers vous avec de plus amples détails une fois que le Gouvernement et la MINUSTAH seront parvenus à un accord sur les repères spécifiques qui devront être inclus dans cette feuille de route. La MINUSTAH est ici pour accompagner Haïti sur ce chemin, comme d’autres amis et partenaires. Nous le faisons avec le plus grand respect pour votre pays et votre peuple. Ce n’est pas la MINUSTAH qui détermine combien de temps elle restera en Haïti. Nous sommes ici à la demande d’Haïti et conformément au mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies. Haïti est l’un des membres fondateurs des Nations Unies. Et c’est Haïti, avec notre plein soutien et notre accompagnement constant, qui, au bout du compte, parviendra à créer les conditions qui détermineront le rythme du retrait de la MINUSTAH. J’ai déjà parlé trop longuement, alors laissez-moi maintenant conclure avec deux points que j’ai déjà abordés. Premièrement : les élections. J’ai dit que des progrès vers la tenue d’élections cette année – ou le manque de progrès – sont devenus un symbole du progrès, ou de l’absence de progrès, en Haïti aujourd’hui. C’est pourquoi la MINUSTAH encourage vivement les autorités haïtiennes à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’organiser des élections inclusives et crédibles d’ici la fin de l’année 2013. J’insiste sur le caractère inclusif car l’histoire haïtienne a démontré que des élections sont qualifiées de réussies lorsqu’il y a eu au préalable un consensus politique entres les différents acteurs, notamment sur la composition du conseil électoral, les règlements intérieurs, la loi électorale et le financement des partis politiques. La MINUSTAH et les Amis d’Haïti pensent qu’Haïti a aujourd’hui besoin d’un tel consensus pour enclencher la mise en place d’un appareil électoral opérationnel afin de garantir la stabilité politique, la bonne gouvernance et l’état de droit. La tenue d’élections est une exigence constitutionnelle qui émane de la Constitution haïtienne et non pas d’un diktat de la communauté internationale. Nous qualifions comme un pas en avant important l’accord conclu le 24 décembre entre le gouvernement, le Parlement ainsi que le groupe qui a servi de médiateur dans les débats, Religions pour la Paix concernant la mise en place du Collège Transitoire du Conseil Electoral Permanent (CTCEP). Cependant, l’opérationnalité de cet accord n’a pas encore été clairement démontrée. Ainsi nous encourageons vivement les trois pouvoirs à continuer dans cet élan et à prendre toutes les dispositions afin de s’entendre sur la nomination des membres de l’appareil électoral. Deuxièmement : les Droits de l’homme Les Nations Unies, en général, et la MINUSTAH, en particulier, ont fait du respect des droits de l’homme leur cheval de bataille. En effet, au travers de nos équipes déployées sur toute l’étendue du territoire, nous nous attelons à ce que les droits de toutes les Haïtiennes et Haïtiens, tant civils et politiques qu’économiques, sociaux et culturels, soient respectés. Du côté de la MINUSTAH, je m’engage personnellement à ce que toute allégation d’abus ou de mauvaise conduite par du personnel de la Mission soit traitée rapidement. Nous sommes ici pour accompagner les Haïtiens dans le respect de leur dignité et de leurs droits. Nous sommes impatients de définir ensemble une feuille de route et d’être en mesure d’avancer, pas à pas, de manière visible et mesurable, vers un Haïti sûr et stable où les droits de tous les Haïtiens sont respectés et protégés. »