PARQUET P-au-P, 7 janv. 2013 [AlterPresse] --- Les avocats de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide ont sommé le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Lucmane Delille, de leur transmettre dans « un délai de vingt quatre heures [expirant ce 7 janvier 2013] » une série de pièces devant être déposées par les plaignants au parquet. Selon ce qui est mentionné dans la sommation, dont a pris connaissance AlterPresse, ces documents sont « les contrats qu’ils [les plaignants] ont conclus à titres de louage, de prêts à usage, de gage, de dépôt, de mandat ou de travail salarié ou non salarié et déposés au parquet, les copies des mises en demeure signifiées par ces prétendus plaignants ». Le chef du parquet doit aussi, dans le même délai, communiquer les prénoms, noms et adresses des plaignants appelés “consorts” dans son invitation notifiée le vendredi 4 janvier 2013. « Nous devons savoir exactement qui sont ces « consorts » ? puisque nous devons les affronter devant un tribunal », justifie Me Newton St Juste. Jean-Bertrand Aristide est accusé d’abus de confiance, d’escroquerie et de vol, notamment par Rosemond Jean, de la Coordination nationale des sociétaires victimes des coopératives (Conasovic) et Sony Thelusma alias Ti Sony, ancien pensionnaire de Lafanmi se Lavi, le foyer fondé par Aristide pour des enfants en situation difficile. Mes. Camille Leblanc, Mario Joseph, Joël A. Petit-Homme et Newton Louis St Juste défendent l’ancien président dans ce dossier. « Techniquement, il est impossible de commettre ces trois infractions en même temps. Il semble que le commissaire du gouvernement ne maitrise pas trop bien son droit », a ironisé Me St-Juste. Une sommation est également faite aux plaignants de transmettre aux avocats de Mr Aristide les contrats conclus « conformément aux dispositions des articles 338 à 340 du Code pénal ». Les avocats menacent d’engager des poursuites pénales contre les accusateurs s’ils refusent d’obtempérer dans le délai de 24 heures imparti. Rosemond Jean, Sony Thelusma, Rose Marie Pierre, Derex Georges, Micheline Jean André, Jeanouele Noël, Lionel Pierre, Elinord Benoit, Harold Étienne, Alfred Oreste, Lucien Restain et Sandie Danielle Pierre sont clairement dans la ligne de mire des défenseurs de l’ancien prêtre, devenu président de la république deux fois (1991-1996 ; 2001-2004) et deux fois renversé. Le 10 juin 2002 (sous l’administration Aristide), un accord a été signé entre l’État haïtien et les sociétaires victimes, selon les termes duquel l’État s’est engagé à leur accorder réparations. L’État d’Haïti a été représenté par le ministère de la planification et de la coopération externe (Mpce) avec Paul Duret, ministère de tutelle du Conseil national des coopératives (Cnc) ; le ministère de l’économie et des finances (Mef) avec Gustave Faubert ; et le ministère de la justice avec Calixte Delatour. Le bureau de réparations des sociétaires victimes des coopératives (Brsvc) a été créé le 16 mars 2005 (sous l’administration provisoire de Boniface Alexandre et Gérard Latortue) en vue de continuer les opérations de réparations. Le Brsvc était constitué de Schiller Roy, représentant de l’État haïtien ; de Jean Lionel Cherestal, pour la Conasovic et Rose Cendra Guillaume pour l’Association des femmes victimes des coopératives (Afvc). En attendant, Sony Thélusma (Ti Sony) et d’autres anciens pensionnaires de « Lafanmi se Lavi » ont sollicité l’aide de l’ambassade des États-Unis d’Amérique à Port-au-Prince pour garantir leur sécurité. Ils déclarent être l’objet de menaces et d’intimidations, depuis qu’ils ont porté plainte contre l’ex-président Aristide. Les mots de « persécution politique » reviennent dans le discours de partisans et de parlementaires dans le cadre de ce dossier. Pour le moment, la convocation d’Aristide par devant le commissaire Delille (qui a été très actif dans le mouvement ayant renversé le président Aristide en 2004) fait beaucoup plus de tollé que le dossier du dictateur Jean-Claude Duvalier ou que le cas du riche homme d’affaires Clifford Brandt incarcéré pour kidnapping et association de malfaiteurs.