PORT-AU-PRINCE, 18 Septembre – La grève du transport en commun du lundi 18 septembre a réussi pratiquement d'une manière totale.
Jusqu'à la tombée de la nuit les rues de la capitale sont demeurées vides. Pas de taxis, ni de tap taps, pas de taxi-motos non plus.
Pas de piétons, pas d'élèves, pas de petites marchandes, presque personne dans les rues. Même les chiens étaient rentrés.
Est-ce pour démentir l'argument du pouvoir que ce soit l'oeuvre de fauteurs de troubles et que c'est sous la menace de violences que toute cette critique contre le budget qui vient d'être voté au parlement et que les protestataires appellent le président Jovenel Moïse à ne pas mettre en application.
Pour commencer, la quasi adhésion à la grève (grève avertissement, selon les syndicats du transport) de la part du grand public dément et démonte automatiquement la thèse violences défendue par le gouvernement, puisque aucune violence n'a été constatée ce lundi comme la Police nationale peut elle-même le certifier puisque les cars de la police étaient partout dans les rues.
Il y avait plus de policiers ce lundi dans les rues, si l'on peut dire, que de citoyens.
C'est au gouvernement d'en tirer les conclusions puisque son argument principal tombe (même s'il ne le reconnaîtra pas), la violence n'ayant pas eu à intervenir pour contraindre les gens à rester chez eux.
Mais il y a plus : les employés de l'Etat eux aussi n'ont pas fait le déplacement ce lundi, planqués également chez eux.
Or si ce n'est pas qu'ils ont adhéré également à la grève, il ne resterait que la violence comme explication.
Or voilà, les bureaux de l'Etat ont chômé eux aussi, même si c'est pas officiellement.
Serait-ce que le secteur public a adhéré lui aussi à la grève du transport en commun ?
Ce n'est pas impossible puisque le secteur public est aujourd'hui lui aussi syndiqué, et qu'on a vu des employés de diverses directions générales de l'Etat ainsi que de ministères entrer en grève pour arriérés de salaires ou pour révocations massives survenues dans leurs rangs !
L'argument de la violence utilisé contre les contestataires du budget ayant fait long feu, quel autre va devoir utiliser le pouvoir en place pour maintenir son refus de remanier le budget comme le réclament les différents secteurs qui ont appuyé, directement ou indirectement, la grève des transports de ce lundi ?
Désormais il risque donc de ne rester au gouvernement que le pouvoir de la force : 'je veux, je peux', comme disait l'autre. A qui d'ailleurs cela n'avait pas porté bonheur !
La force nue. La force brute.
C'est-à-dire les forces de l'ordre. Mettre en application coûte que coûte le budget contesté, comme le président Moïse et ses porte-parole s'y sont engagés, envers et contre tous les secteurs qui ont adhéré au mot d'ordre de grève de transport du lundi 18 septembre, avec pour seul argument, le coco-macaque. Sa k pa kontan, men pa w.
Evidemment c'est un choix que le pouvoir Jovenel Moïse-Jack Guy Lafontant (premier ministre) détient.
Mais qui, comme on sait, n'est pas non plus sans risques.
Car à partir de là, dès le moment où un gouvernement troque l'arme de la dialectique pour la dialectique des armes, ce n'est plus de contestation d'un budget qu'il s'agit mais de contestation du pouvoir tout court, tel qu'en lui-même.
Conclusion : selon la lecture que fera le pouvoir Moïse-Lafontant de la grève de transport du lundi 18 septembre, il en découlera l'objectif que se fixera éventuellement le prochain épisode. Autrement dit, l'acte final de la crise actuelle.
Correction du budget ... ou correction démocratique.
Oui, encore une. Hélas !
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince