MIAMI, 25 Juin – En Haïti on assassine des innocents sans rime ni raison, on force des populations à plier bagages vers l’inconnue totale, les criminels sont connus et courent les rues au vu et au su de tous, les autorités n’interviennent pas ou dans des cas soigneusement choisis donc se faisant complices des criminels … tandis que les associations de défense des droits humains ne cessent de publier la liste de plus en plus longue des victimes : assassinats, viols, kidnappings, populations chassées de leur foyer par les gangs et forcés de vivre dans la rue ou dans des conditions infrahumaines etc.
Mais personne ne bouge.
Par contre ailleurs on n’entend qu’un seul mot : Cour Pénale Internationale. Pourquoi pas aussi, pourquoi jamais en Haïti alors que les conditions sont plus que jamais réunies également chez nous ?
Ecoutons la définition de la Cour Pénale Internationale et dites-moi si la situation actuelle en Haïti n’y correspond pas totalement ?
« La Cour pénale internationale (CPI ; en anglais International Criminal Court ou ICC) est une juridiction pénale internationale permanente, et à vocation universelle, chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et de crime de guerrea. La Cour inscrit également son action dans une dimension préventive et dissuasive : l'objectif est de responsabiliser les individus, qu'il s'agisse d'autorités civiles ou militairesb.
« Le Statut de Rome est le traité international qui a fondé la Cour pénale internationale. Il est adopté lors d'une conférence diplomatique réunissant les représentants des États adhérant aux Nations unies, dite Conférence de Rome, qui se déroule du 15 juin au 1er juillet 2002, à Rome, en Italie. Il entre en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification par 60 Étatsc : la Cour pénale internationale est alors officiellement créée. La compétence de la Cour n’étant pas rétroactive, elle traite les crimes commis à compter de cette date.
« Le siège officiel de la Cour est situé à La Haye, aux Pays-Bas. Depuis le 4 mars 2016, 123 États sur les 193 États membres de l'ONU ont ratifié le Statut de Rome et acceptent la compétence de la CPI (dont tous les États de l'Union européenne). Trente-deux États, dont la Russie et les États-Unis, ont signé le Statut de Rome mais ne l’ont pas ratifié. Enfin, certains, dont la Chine et l’Inde, n’ont pas signé le Statut.
« La CPI peut en principe exercer sa compétence si la personne accusée est un national d’un État membre, ou si le crime supposé est commis sur le territoire d’un État membre, ou encore si l’affaire lui est transmise par le Conseil de sécurité des Nations unies. La Cour ne peut exercer sa compétence que lorsque les juridictions nationales n’ont pas la volonté et/ou la capacité pour juger des crimes internationaux (principe de complémentarité). En d'autres termes, la Cour n'intervient que lorsque les systèmes internes sont défaillants.


« À ce jour, la Cour a ouvert une enquête dans treize situations : Ouganda (2004), République démocratique du Congo (2004), Soudan (2005), Centrafrique (2007), Kenya (2010), Libye (2011), Côte d'Ivoire (2011), Mali (2013), Centrafrique II (2014), Géorgie (2016) et Burundi (2017), Bangladesh/Myanmar (2019) et Afghanistan (2020). Sept examens préliminaires sont en cours : Colombie (2004), Guinée (2009), Palestine (2015), Philippines (2018), Venezuela I (2018), Venezuela II (2020), Bolivie (2020). Huit autres sont clos avec ou sans suite.
Voici donc ce qu’est la Cour Pénale Internationale.
Vous me direz que la CPI, d’après la définition donnée ici, doit connaitre des crimes qualifiés ‘de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre’.
Cela signifierait que les crimes commis en Haïti par les gangs n’étant pas qualifiés de génocide ni de crime de guerre, ils ne tomberaient pas sous la juridiction de la Cour Pénale Internationale …


Cependant nous avons lu aussi que la Cour peut également exercer sa compétence ‘lorsque les juridictions nationales n’ont pas la volonté ni la capacité pour juger de tels crimes – si le crime est commis sur le territoire d’un Etat membre ou encore si l’affaire lui est transmise par le Conseil de sécurité des Nations Unies.’
Voilà ! Ainsi donc le Conseil de sécurité qui se réunit chaque mois sur la crise haïtienne a la compétence pour transmettre le dossier Haïti par devant la Cour pénale internationale … or une telle décision propulserait la crise haïtienne à un niveau international, universel, impliquant dès lors le monde entier (comme le fut la crise politique en Côte d’Ivoire qui fit juger le président Laurent Gbagbo pour crimes contre l’humanité, cela sous la pression de la France, puissance internationale régionale – Gbagbo sera reconnu non coupable mais après des mois de prison, ou encore la crise de l’ex-Yougoslavie et la guerre des Balkans, parce que les intérêts occidentaux étaient impliqués face à ceux de l’ex-Union soviétique, etc – toutes situations qui forcent à trouver une solution aussi immédiatement que possible … tandis qu’au niveau actuel chez nous, puisque notre crise ne menace personne d’autre que nous, qu’il n’y a que les Haïtiens qui meurent, que comme disait l’autre : ‘it’s only blacks killing blacks … stupid Haitians’ alors laissez-les s’amuser à se flinguer les uns les autres, avec le ‘coronavirus’ faisant le reste !


Or qu’est qui peut être plus crime contre l’humanité, plus génocide que des citoyens tuant massivement d’autres citoyens qui ne leur ont rien fait et sous les yeux d’un Etat indifférent, par conséquent complice … tout à fait au sens du Statut de Rome ?
Voilà pourquoi on a pu qualifier aussi de génocide le massacre au Rwanda des Tutsi par des extrémistes Hutu (juillet 1994) sans qu’il y ait besoin d’intervention par une force extérieure.
Tout comme la Cour pénale internationale interviendra dans la crise politique en Colombie avec la rébellion des FARC (Force armée révolutionnaire de Colombie) qui pratiqua abondamment les enlèvements comme arme de combat face au gouvernement en place qui répondit de son côté par des exécutions extra-judiciaires et l’assassinat d’une trentaine de victimes présentées comme ‘tuées au combat’ (années 2007-2009).
Nous retenons donc que l’une des causes de nos misères, en dehors de nos imbécilités politiciennes, ce sont, hélas, nos relations internationales.
Le Conseil de sécurité pourrait d’un trait de plume changer la situation actuelle en Haïti mais il ne le fait pas. Parce que la crise haïtienne n’a aucune importance au niveau extérieur, pas de retombées internationales.
Secundo parce que la puissance internationale régionale ne le veut pas. Ce sont les Etats-Unis d’Amérique bien sûr. Même aujourd’hui avec un président démocrate nommé Joe Biden.
De plus les Etats-Unis ne reconnaissent pas les jugements de la Cour pénale internationale parce que craignant qu’ils ne sanctionnent éventuellement ses propres interventions militaires dans le monde.
Aujourd’hui le massacre pendant l’Occupation américaine d’Haïti (1915-1934), dit de Marchaterre (6 décembre 1929), où des dizaines de paysans haïtiens ont été abattus à bout portant par les forces occupantes, serait bien entendu passible de la Cour pénale internationale.
Aux dernières nouvelles (mais non officiellement confirmées) les Etats-Unis ont accepté une demande d’aide militaire de la part du président haïtien en exercice Jovenel Moïse.
Mais cela ne semble pas influencer les gangs armés qui multiplient les exactions et gagnent chaque jour encore plus de terrain. Pendant que tous reconnaissent - sauf Jovenel et Biden eux-mêmes - que les élections qu’ils projettent d’organiser, ne sauraient être valides dans une telle conjoncture.


Marcus Garcia, Haïti en Marche, 26 Juin 2021