PORT-AU-PRINCE, 27 Août – L'agression armée contre l'ex-chef de la police nationale d'Haïti (PNH), Jean Nesly Lucien, renvoie à nouveau à l'expression de Narco-Etat.
L'époque où Haïti a failli devenir un narco-Etat, c'est-à-dire un pays dirigé par des trafiquants de drogue.
L'ancien directeur général de la PNH, Jean Nesly Lucien, a été victime de bandits armés qui ont ouvert le feu sur le véhicule qu'il conduisait, le mercredi 26 août écoulé, dans la région de Tabarre (grand Port-au-Prince), le blessant, mais tuant sur le coup son passager, Jean Yves Dambreville, ancien militaire américain vivant dans la communauté haïtienne de Boston (Massachusetts, USA).
Jean Nesly Lucien, après le second renversement du pouvoir du président Jean-Bertrand Aristide, a été appréhendé aux Etats-Unis et condamné à la prison pour complicité dans le trafic de la drogue. En même temps que l'ex-chef de la police, plusieurs cadres de la Police nationale ainsi que de hauts officiels de l'administration Aristide ont été également condamnés pour les mêmes charges.
Plusieurs anciens commissaires de police, mais également des parlementaires. Ainsi que l'ex-premier responsable de la sécurité présidentielle de l'époque, Oriel Jean, récemment abattu en plein jour dans les rues de Port-au-Prince.

'Coopération substantielle' ...
Au centre de tout ce réseau étant un trafiquant connu et qui vivait avec faste dans le pays, avec de toute évidence la protection des plus hautes autorités. Son nom est Jacques Kétant. Extradé aux Etats-Unis, sur insistance de la justice américaine, il est condamné en 2003 à 35 ans de prison, mais sa peine a été réduite à 12 ans pour sa « coopération substantielle » avec les procureurs américains pour confondre d'autres membres du réseau. Kétant a été déporté en Haïti par l'immigration américaine une semaine avant l'agression contre Jean Nesly Lucien.
Y a-t-il rapport entre ce dernier fait et l'assassinat en mars dernier de Oriel Jean ?


Point commun : tous ces gens ont séjourné dans les prisons américaines pour trafic de drogue. Et secundo, presque tous ont accepté de coopérer en fournissant des indications les uns sur les autres.

Aristide – Martelly ! ...
Mais la question demeure : pourquoi dit-on que le pouvoir Aristide (2001-2004) risquait de devenir un narco-Etat et non, par exemple, celui du président actuel, Michel Joseph Martelly puisque la preuve existe que ce dernier compte des trafiquants de drogue à son domicile. Et même qu'il a tenté de leur accorder sa protection ?
La différence est que sous Aristide ce sont les autorités elles-mêmes qui vont être impliquées. Outre Oriel Jean, chef de la sécurité présidentielle, Jean Nesly Lucien, numéro 1 de la police nationale (à une époque où les dirigeants de la PNH avaient été choisis par le chef de l'Etat lui-même), et plusieurs autres commissaires de police et employés de confiance à des postes sensibles comme à l'aéroport international de Port-au-Prince, mais de plus parmi les parlementaires mentionnés on trouvait un président de l'assemblée nationale et membre du parti au pouvoir etc.


Enfin celui qui était considéré comme le baron de la drogue, Jacques Kétant, avait, selon la rumeur, ses entrées dans le cercle intime du président.

29 février 2004 ...
Il n'en fallait pas plus pour que le 29 février 2004 les 'forces spéciales' américaines venues quérir Aristide à son domicile, aient pu lui dire : vous avez le choix entre le tribunal de Miami ou l'exil dans un pays africain. C'est ce que rapporte en tout cas la petite histoire.
Mais le pouvoir Martelly est-il un narco-Etat ?
Jusqu'à preuve du contraire, aucun membre du gouvernement n'a été directement impliqué dans ce genre d'activités.
Cependant le président Martelly lui-même n'a pas marchandé son concours à des amis reconnus comme des trafiquants notoires.

Ni vu ni connu depuis ...
Comme Evinx Daniel, l'hôtelier de Port-Salut (Sud), dont Michel Martelly ordonna qu'il fût relâché alors que la drogue avait été découverte dans sa demeure, tandis que le commissaire du gouvernement qui avait procédé à son arrestation a été démis.
Puis un beau jour Evinx Daniel disparut dans la nature. Ni vu ni connu.
C'est le cas aussi du surnommé Sonson Lafamilia. Emprisonné sur un rapport de la Police nationale sous les accusations de kidnapping et blanchiment (avec corps du délit à l'appui), il sera remis en liberté, lui et un co-accusé, pour insuffisance de preuves.
Disparu depuis lui aussi dans la nature, ni vu ni connu, malgré une vaine promesse de porter le dossier en cassation !

Made in Washington ...
N'y a-t-il pas là de quoi soupçonner aussi le pouvoir Martelly de la même tendance à transformer Haïti en un narco-Etat ?
Sauf que le pouvoir actuel de Port-au-Prince est une création (ou mieux créature) made in Washington et que ce dernier est obligé de le protéger, même contre son gré !
Mais, par ailleurs, la République dominicaine est-elle un narco-Etat ? Des officiers de la police nationale ainsi que des hauts gradés de l'armée sont couramment extradés également en Floride pour être jugés pour trafic de drogue ...

Presse partisane ...
Outre que le pays affiche numéro 3 dans le continent pour la vente de la 'canabis' dans les rues (alors que Haïti ne figure même pas dans ces statistiques). Une des raisons probablement de son succès dans l'industrie touristique, est la facilité de se procurer 'la marchandise.' Cas des deux pilotes français récemment condamnés à 20 ans de prison pour un chargement de cocaïne découvert dans leur avion prêt à décoller de l'aéroport de Punta Cana, le paradis touristique par excellence.
Mais la presse internationale n'a jamais parlé de Narco-Etat dans ses reportages, tous chantant les traits positifs de la république voisine.
Pas plus que du drame des rapatriés haïtiens. Cette presse est-elle partisane ?

Haïti en Marche, 27 Août 2015