Transferts et aide internationale en voie d’asséchement
MIAMI, 9 Septembre – Toute la presse reprend avec consternation une déclaration du gouverneur de la banque centrale d’Haïti (BRH-banque de la république d’Haïti), Mr. Jean Baden Dubois.
‘Heureusement, la BRH effectue des retenues sur les transferts d’argent de la diaspora. Sinon les réserves de la banque seraient à zéro’ a affirmé ce dernier.
C’est ce qui permet entre autres de financer les importations de produits pétroliers … dans un pays où toujours selon le Gouverneur Dubois, ‘les importations (de biens de consommation) ont atteint un nouveau pic de 3,4 milliards de dollars tandis que les exportations ne dépassaient pas 700 millions, il y a eu fort heureusement les transferts qui ont atteint, pendant les 9 premiers mois la barre de 2,7 milliards de dollars’ a poursuivi Jean Baden Dubois.
Or malgré tout, rien ne va plus puisque voici les banques commerciales dont on annonce qu’elles pourraient ne pouvoir travailler que trois jours de la semaine et des entreprises essentielles comme la téléphonie cellulaire (Digicel), éventuellement forcées aussi de réduire leurs activités, avec des retombées sur tout le secteur économique et social.
Causes principales : une nouvelle progression du banditisme qui peut forcer à l’arrêt de toute activité économique ; et d’autre part une rareté de carburant.
Ici mystère : l’agence responsable de l’importation des produits pétroliers (BMPAD) annonce de nouveaux arrivages et qu’il n’y a pas de rareté. Et pourtant les stations-service demeuraient fermées encore cette semaine.
Donc rareté provoquée ?
Reprenons un peu. La république entière vivant donc aux crochets de notre diaspora.
Si les transferts ne font pas un plongeon gigantesque actuellement, c’est bien triste à dire, mais c’est grâce au séisme …
Or les transferts de la diaspora sont eux aussi sujets aux mêmes problèmes qui affectent toutes les activités dans le pays. En premier lieu, l’insécurité incontrôlable.
Par exemple, des écoles privées que fréquentent des enfants de nos expatriés, voient leur clientèle réduite considérablement.
Soit les enfants rentrent aux Etats-Unis, soit les familles d’accueil se déplacent, de plus en plus, en République dominicaine voisine. Un gros manque à gagner pour l’économie locale.
Et si les fameux transferts ne font pas un plongeon gigantesque actuellement, c’est bien triste à dire, mais c’est grâce au séisme qui a mis à terre trois départements géographiques, et parmi les plus importants par leur valeur économique (café, élevage …) : Sud, Nippes et Grande Anse.
Et la diaspora une fois encore fidèle au rendez-vous.
Mais voilà une dépêche devenue virale ces dernières heures sur les réseaux sociaux, elle serait du président du Mexique, Mr. Andres Manuel Lopez Obrador, surnommé AMLO.
‘C’est très triste ce qui se passe en Haïti où la pauvreté et la violence créent une situation spéciale où l’on ne peut même pas apporter de l’aide, parce que celle-ci tombe automatiquement aux mains des bandes armées qui pullulent partout dans le pays …’.
Déclaration prêtée au premier mandataire mexicain sur son compte X ou autre.
Le président Obrador est très au courant des problèmes d’Haïti. En effet c’est encore cette semaine que ses services d’immigration viennent d’opérer une opération musclée contre des sans papiers haïtiens qui tentent de traverser le Mexique en direction de la frontière avec les Etats-Unis.
Quand des mères en haillons venaient du lointain Nord-Ouest, lors surnommé ‘Far West’, vendre leurs bébés sur la plus grande avenue de Port-au-Prince …
Récapitulons un peu. D’après les chiffres cités par le Gouverneur de la banque centrale, nous ne produisons plus rien. Economie loin au-dessous de zéro. Sans les transferts de la diaspora, et encore sans la décision de s’en emparer de force car c’est le cas (le gouvernement faisant payer au citoyen les conséquences de ses inconséquences, dont celle de laisser les gangs devenir totalement maîtres du pays), on aurait fermé boutique.
Or les transferts ne sont pas une solution définitive, étant eux aussi sujets aux mêmes problèmes, principalement les gangs forçant les familles bénéficiaires à délocaliser vers un ailleurs plus stable, entre autres le pays voisin (la République dominicaine d’un certain président Luis Abinader qui semble d’une intelligence particulière à ce sujet).
Conclusion : allons-nous revenir un demi-siècle en arrière. Quand des mères en haillons venaient du lointain Nord-Ouest, lors surnommé ‘Far West’ (où la sécheresse est la plus forte) vendre leurs bébés sur la plus grande avenue de Port-au-Prince, le Boulevard Jean Jacques Dessalines ?
Or ce n’est aucun progrès sur le plan économique local qui viendra changer la situation à l’époque, mais deux événements externes : l’aide internationale … mais surtout l’entrée en scène de la diaspora avec la naissance de larges communautés d’expatriés aux Etats-Unis ainsi qu’au Canada, chassées autant par les problèmes économiques que par les persécutions sous la dictature Duvalier. Et plus tard aussi en France, aux Bahamas, dans les Antilles et chez nos voisins Dominicains.
Mais alors que les choses continuent de se dégrader sur le plan national (comme montre le Gouverneur Jean Baden Dubois dans ses observations), voici aujourd’hui que ce sont ces deux dépanneurs eux-mêmes qui sont remis en question.
Les transferts en train de s’envoler vers ailleurs …
Et l’insécurité, aux dernières nouvelles, s’en prenant aussi aujourd’hui à ce que nous appelons depuis lors : la communauté internationale.
La même semaine que tombe la déclaration du président AMLO (mexicain) … c’est l’Ambassade de France obligée elle aussi de réduire ses activités, ayant reçu des menaces d’un gang très violent à la capitale. De plus après le récent kidnapping contre rançon d’au moins deux religieux français.
C’est le plongeon à pic dans le vide, direz-vous.
La principale cause c’est la prise en otage du pays par un petit groupe dont la voracité n’a d’égale que son indifférence aujourd’hui au devenir national …
Or ce n’est toujours pas là le fond du problème.
Pas du tout.
Que ce soit les gangs, que ce soit les raretés provoquées de pétrole ou autres, que ce soit la disparition des devises avant même qu’elles soient dans le pays, c’est la même cause : la principale cause c’est la prise en otage du pays par un petit groupe dont la voracité n’a d’égale que son indifférence aujourd’hui au devenir national, contrôlant toutes les sources d’enrichissement et, attention - c’est là le seul fait nouveau - qui est même arrivé à subvertir la sacro-sainte règle démocratique, cela en se revendiquant comme seul remplaçant légitime (par voie électorale s.v.p.) d’une précédente élite, celle-ci il est vrai n’ayant rien fait de tellement différent.
Ainsi va Haïti.
Direct pour le néant !
Et aujourd’hui apparemment plus vite que jamais auparavant.
Sans que les élites conscientes (car celles-là existent quand même aussi) n’y puissent encore quelque chose.
Mais qui sait !
‘Kenbe Pa Lage.’
Marcus Garcia, Haïti en Marche. 9 Septembre 2021