MIAMI, 11 Mars – Une réunion sur Haïti mais sans les Haïtiens, sans la participation des acteurs politiques haïtiens c’est pas normal et pourtant rien que de plus normal …
Parce c’est ainsi que cela s’était toujours passé lors des crises précédentes.
On ne nous avait pas demandé notre avis pour, après avoir embarqué manu militari le président Jean-Bertrand Aristide pour la République Centre-Africaine, le 29 février 2004, installer le même soir un président provisoire en la personne du président de la Cour de cassation, le juge Boniface Alexandre ; puis forcer pratiquement sous la menace le premier ministre en exercice, l’ingénieur Yvon Neptune, à rester en place pour assurer l’intérim … puis trois mois plus tard pour parachuter depuis Miami l’ancien diplomate Gérard Latortue qui assurera l’intérim pendant deux ans jusqu’aux élections de 2006 remportées par l’ex-premier ministre René Préval.
Et tout cela sous le nez des GNB-istes qui avaient comploté le renversement du président Lavalas.
Pourtant tout se passa bien. Et le nouveau président élu, René Préval, sera même le seul à avoir accompli jusqu’ici deux mandats entiers de toute l’histoire de notre Haïti démocratique.
Pourquoi donc aujourd’hui avoir demandé aux acteurs politiques haïtiens pour qu’ils trouvent eux-mêmes une entente ?
Entre un premier ministre Ariel Henry, jusqu’ici un parfait inconnu voire un ‘zombi’, bien qu’ayant accompli plusieurs mandats ministériels mais dont personne n’a aucun souvenir, et une opposition encore plus têtue qu’auparavant.
Pourquoi ne pas faire comme trente ans plus tôt ? En effet le même président élu Aristide avait déjà été renversé par l’armée en 1991 (eh oui !), cette fois 8 mois après son investiture. Aussitôt les généraux et leurs amis et complices (et les financiers du coup aussi bien sûr !) bondirent au palais présidentiel …
Mais doucement !
Washington exigeait déjà l’application du nouveau modèle : un premier ministre et le président de la Cour de cassation comme président provisoire.
Les chefs militaires (Cédras, Michel François et Co.) furent obligés de faire avec. Evidemment c’est au pauvre peuple qu’on fit payer les pots cassés. Massacres de Raboteau, Cité Soleil et combien d’autres. Cela jusqu’à l’organisation de nouvelles élections deux années plus tard, en 1996.
Aussi après l’assassinat le 7 juillet 2021 du président Jovenel Moïse, tous s’attendaient donc à la même formule : un premier ministre nommé par le ‘blanc’ bien entendu, un président provisoire en la personne du président ou d’un autre juge de la Cour de cassation et des élections organisée après deux années de gouvernement provisoire mais pas plus ...
Pourquoi cette fois Washington (puisque c’est lui qui décide toujours de tout, ne l’oublions pas !) a-t-il voulu tout bousculer ? Tout bloquer ?
En effet peu après l’assassinat du pauvre Jovenel Moïse on renvoie Claude Joseph pour le remplacer par Ariel Henry comme premier ministre, okay mais cette fois pas de président provisoire … tandis que Doc Henry se voit attribuer des pouvoirs qu’aucun de nos présidents même élus depuis ledit retour à la Démocratie (depuis les élections de décembre 1990), n’avait jamais détenu. Un pouvoir n’ayant pour seule comparaison que celui de nos présidents à vie ?
Est-ce ignorance de la part de l’administration Biden ? Il est vrai qu’on croit ce dernier si peu intéressé qu’il aurait dit publiquement un jour que Haïti eût-elle disparu que personne ne s’en apercevrait.
Ou est-ce un piège tendu aux Haïtiens, un peuple déjà porté à se voir des ennemis partout !
Dans l’un ou l’autre cas, Biden a mis à côté. Non seulement son poulain, Dr. Ariel Henry, a fait piètre figure, jusqu’à se faire pratiquement ‘expulser du pays’ par sa propre faute (à force aussi de gaspiller les pauvres sous du contribuable en billets d’avion première classe) mais nous voici aussi avec deux années de retard sur le calendrier électoral, sans un seul élu ni au parlement, ni aux municipales, ni aux assemblées rurales, pas même un ‘choukèt la wouze.’
Et voilà !
Nos grandes gueules vont évidemment se mettre à tempêter, à crier Haïti c’est ‘take it or leave it’, Dessalines, Capois-la-Mort et consorts. Mais laissez faire et dans dix ans on sera toujours au même point.
La seule solution c’est une sorte de division du travail. Que ceux qui veulent faire de la politique et que de la politique, fassent de la politique.
Mais et c’est plus important, que ceux qui veulent un vrai changement se mettent cette fois plutôt en observation …
Mais une observation active, dynamique et surtout sans aucun parti pris. Car il n’y a pas que la politique qui puisse sauver un pays, voire la façon dont nous la pratiquons.
Vous aurez remarqué que nous n’avons pas dit un mot des gangs. C’est parce que c’est tout un ‘package’. Les gangs, le trafic d’armes, la drogue et même le trafic d’organes - et les politiciens !!! ‘Se menm nou menm lan.’ Et c’est ce que l’on avait omis de comprendre les précédentes fois. En 1994, en 2004. Et nous voici en 2024.
Comme si on avait été en meilleur état … en 1986. Mais chut !
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 11 Mars 2024