PORT-AU-PRINCE, 17 Septembre – Pas tout à fait folle la guêpe, peut-être que le président Michel Martelly sait quel tour il joue à l’opposition en se précipitant la semaine dernière dans ses bras après l’échec de ses partisans à la Chambre des députés pour bloquer le vote du projet de loi électorale.
Dès le lendemain de cette mésaventure, Michel Martelly frappait à la porte de certains leaders politiques bien connus avec un rameau d’olivier.
Martelly propose le dialogue. En cela répondant aussi aux recommandations de la communauté internationale qui n’a qu’un mot à la bouche : consensus, compromis.
Mais le geste du président survient à un moment où l’opposition est embrayée plutôt dans une direction contraire.
Une manifestation (à l’actif de leaders également bien connus) a été dispersée par la police avec des grenades lacrymogènes. Cela le jour même où le président faisait sa tournée des leaders politiques.
La tendance radicale est si manifeste que ces derniers sont restés prudents sur les sujets évoqués avec leur important visiteur.
En dehors des secteurs parlementaires directement intéressés, rares sont les organisations politiques qui se sont déclarées ouvertement prêtes à aller aux prochaines élections.
Lentement on a vu le vent tourner dans l’autre sens. Et la campagne ‘démission’ (démission du chef de l’Etat s’entend) l’emporter sur celle des élections. En même temps que beaucoup (probablement pour les mêmes raisons) s’emploient à nous démontrer qu’il est impossible de réaliser ces dernières.
Par conséquent, aussi curieux que cela puisse paraître, voici que la carte élections, jusqu’à présent une arme contre le pouvoir Martelly, accusé de ne pas vouloir les tenir soit de peur de les perdre, soit pour provoquer le dysfonctionnement d’un Parlement avec un Sénat réduit au tiers de ses membres, voici, disons-nous, que les élections peuvent devenir aujourd’hui un atout maître pour la bande à Martelly.
Comment ? Elémentaire mon cher Watson. La communauté internationale dont la capacité d’arbitrage, voire d’intervention, dans le jeu politique haïtien ne saurait être mise en doute, fait pression ouvertement sur Michel Martelly pour cesser de bloquer le processus électoral.
Le président et ses conseillers viennent de perdre une première manche dans le vote du projet de loi électorale à la Chambre des députés.
Le document est actuellement soumis à l’appréciation des sénateurs qui promettent de rendre leur verdict dans pas plus d’une semaine.
La clique du Palais aurait mauvaise grâce de bloquer la publication de la loi électorale comme elle l’a fait du projet de loi, reçu du conseil électoral, et qu’elle avait gardé plus de deux mois en otage avant de le transmettre aux députés.
Par contre le président Martelly a peut-être une carte encore plus précieuse : s’il arrivait à prouver que ce n’est pas tant lui qui ne veut pas des élections que c’est son opposition.
Inutile d’aller plus loin dans cette interrogation.
En tout cas si cela s’avérait, un premier résultat important serait que la communauté internationale se trouverait à court de recette. Puisque les élections ont pour elle un double avantage. Politiquement la possibilité d’imposer ses options de manière pacifique et ordonnée. Secundo, la démocratie dans son backyard est bonne aussi pour son image de grande puissance.
L’opposition (du moins sa partie actuellement la plus émergée) voudrait apparemment refaire le coup de 2004 !
Sauf peut-être que le ‘blanc’ a beaucoup plus d’investissements dans le pouvoir actuel qu’il n’en avait dans celui de Lavalas.
Et même s’il décidait de laisser les Haïtiens se dépêtrer (disons le mot, oui, se ‘démerder’, au sens propre) que nous n’y parviendrions point.
En effet, qui ne peut le moins ne peut le plus. Quand le mieux, et le plus logique, ce serait une entente pour barrer la route à ce qu’on appelle les dérives autoritaires (autoritaristes) du pouvoir Martelly en lui arrachant encore plus de contrôle parlementaire.
Cela demande au moins (non pas une multiplicité de consortiums et de mouvements X ou Y) mais un simple accord de désistement pour tous se porter derrière le candidat de l’opposition qui arriverait en tête face à celui du gouvernement.
D’autant plus que les pudeurs idéologiques ont depuis longtemps vécu. Pas vrai ?
Mais, voilà (et pour cause) cette opposition-là peut ne pas vouloir des élections pour une autre raison bien plus terre à terre : aux prochaines élections, il n’y a que dix sièges de sénateurs et 142 cartels communaux en jeu.
Pour plusieurs milliers d’aspirants. N’est-ce pas !
‘Ti mache a trò piti.’ En français, le jeu ne vaut pas la chandelle.

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince