Elections réussies sans réussite !

PORT-AU-PRINCE, 9 Août – Les législatives du 9 Août 2015 ne ressembleront peut-être pas aux présidentielles du 29 novembre 1987 qui s’étaient terminées dans un bain de sang orchestré par les forces armées (‘Massacre de la Ruelle Vaillant’), mais vers midi ce dimanche elles semblaient prendre le chemin des élections de novembre 2010 qui avaient été annulées pour cause de chaos.

On apprendra plus tard que ledit chaos avait été prémédité. En effet, le même après-midi les candidats de l’opposition se retrouvaient dans un grand hôtel de la capitale pour dénoncer une présumée manipulation des urnes et demander l’annulation des élections.

Puis un petit groupe de ces mêmes candidats (dont le futur président Michel Martelly) revenait sur leurs premières déclarations pour accepter que les premiers résultats soient supervisés par une commission spéciale de l’Organisation des Etats Américains (OEA), celle-ci devant finalement prendre le contrôle des événements.

Martelly sera élu au second tour en février 2011 contre Mirlande Manigat.

La situation ce dimanche menaçait à un moment de se passer de la même façon. D’abord ouverture des bureaux de vote dans une ambiance molle. Puis à l’approche de midi, les reporters sur le terrain (Mélodie 103.3 FM) ainsi que des dirigeants de partis politiques commencent à sonner l’alarme.

Dans l’Artibonite, des groupes armés forcent les bureaux de vote à fermer (ex, localités de Jean Denis, Desdunes) ; dans le Nord, on rapporte 2 morts (Limbé et Lòt Bò Pon), et des centres de vote incendiés ; dans l’Ouest, des votants furieux mettent eux-mêmes les locaux à sac pour ne pas avoir trouvé leurs noms sur la liste des électeurs ; ailleurs ce sont des partisans de différents partis politiques qui se battent au centre de vote (ex. Damiens) réduisant tout en miettes ; à Lafito, sortie nord de la capitale, des individus armés tirent en l’air et mettent en fuite les premiers votants ; à Port-au-Prince, le vote est annulé dans au moins trois centres, dont la Ruelle Vaillant, dans certains cas pour manque de bulletins de vote, quand ces derniers n’ont pas été emportés par des gens armés ; à Cabaret, les élections sont annulées à cause de l’intrusion de bandes armées ; à Nazon, Port-au-Prince, les caoutchoucs fument et les rues sont vidées ; à Port-de-Paix (Nord Ouest) les élections sont transformées en manifestations de rues, même tendance dans le Sud-Est (Marigot) ; ailleurs des mandataires de partis sont accusés d’avoir voté plusieurs fois, ceci facilité par l’incapacité par l’organisme électoral d’avoir pu délivrer à temps les mandats pour les représentants des partis les habilitant à pénétrer aux centres de vote. Or vu le nombre exorbitant de candidats à ces législatives (plus de 1.850), les mandataires se bousculent et quand ils sont laissés à eux-mêmes, le choc est inévitable. Etc.

Le président du conseil électoral provisoire, Mr Pierre Louis Opont, admet dans une déclaration à la mi-journée qu’on a dû annuler les élections dans certains centres de vote qui avaient été envahis par des trouble-fête mais que la journée électorale sera prolongée à ces endroits-là.

La police semble débordée. Mais elle est présente même si dans nombre de cas, elle arrive après coup.

Pour le directeur général de la police nationale, Godson Orélus, le bilan est acceptable malgré les difficultés survenues en plusieurs endroits.

Pour le Premier ministre Evans Paul, ‘L’Etat va continuer à assumer ses responsabilités pour que le vote du peuple soit respecté.’

Par conséquent, la messe est dite. Quelles que soient les anicroches et les insatisfactions des uns et des autres, le vote sera maintenu.

Autrement dit, ce qui compte c’est que ces élections aient pu avoir lieu. Tout le reste est secondaire : participation, sentiment général, et bientôt les réactions des candidats et partis qui ne vont pas tarder.

En début d’après-midi, le parti Fusion des sociaux démocrates qualifiait le vote de mascarade, annonçant son intention d’en refuser les résultats. D’autres vont probablement suivre dans la même voie.

Peut-on organiser des élections normales dans un pays où l’autorité publique est bricolée (gouvernement, police, casques bleus, conseil électoral, moniteurs internationaux etc.) et sans de véritables institutions nationales pour rassurer l’électorat et garantir le sérieux des résultats.

Qui gagne à l’organisation de pareilles élections ?

Sûrement pas le peuple haïtien. Pas davantage la classe politique, qui n’en sort pas rehaussée.

Peut-être les capitales étrangères qui les ont financées et qui exigent que Haïti, malgré ses problèmes de survie, fasse d’abord figure de nation démocratique.

Pauvres mais démocrates quand même ! Le pouvoir, et le conseil électoral de Monsieur Opont, ont su délivrer la marchandise. Et, qu’on se rassure, nos politiciens s’en feront toujours une raison. C’est le contraire, des élections vraiment réussies, qui les eut étonnés. Et peut-être même, dérangés.

 

Haïti en Marche, 9 Août 2015

 

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