JACMEL, 15 Août – Le festival Carifesta c'est le week-end prochain, 21 au 30 Août. A partir de vendredi prochain, Haïti sera sous le regard du monde entier. Comme on l'a été le 9 Août dernier, jour de nos législatives à problèmes mais différemment, parce que nous devons et nous pouvons faire mieux.
Carifesta est une fête qui réunit toute la Caraïbe et dont la réalisation a été confiée cette année à Haïti.
Carifesta XII, c'est-à-dire le 12e festival du nom. A la vérité c'est Haïti qui s'est proposée. A la manière Martelly. Le président Michel Martelly accompagnait la délégation haïtienne lors du dernier festival qui s'est tenu à Paramaribo (Surinam) en Août 2013. Emballé par le succès de la délégation haïtienne, Michel Martelly a pris l'engagement qu'Haïti organisera cette rencontre internationale des arts et de la culture Caribéenne en Août 2015.
Il a reçu le bâton honorifique des mains du président surinamien Desi Bouterse, le dimanche 25 Août 2013. Trop tard pour faire marche arrière. Ce n'est pas Martelly qui est engagé. C'est Haïti.

Nos troubles politiques font peur ...
Et pourtant deux ans plus tard, tout a failli capoter. A cause des problèmes politiques entre autres du tandem Martelly-Lamothe. Le premier ministre Laurent Lamothe, avec qui tout paraissait possible lors, est devenu aujourd'hui pour la présidence celui par qui le scandale arrive. Lamothe, un prétendant à la succession du pouvoir en place, a été forcé à la démission en décembre dernier. Mais le pouvoir Martelly a des difficultés à s'en remettre. L'économie est pratiquement à zéro. Le Carifesta entraine des dépenses importantes. L'Etat haïtien a mobilisé 300 millions de gourdes (quelque 6 millions de dollars américains). Les autres nations caribéennes doivent apporter leur quotepart mais la crise économique tape dur dans la région.
Surtout les troubles politiques haïtiens et l'instabilité chronique que ceux-ci provoquent, font peur.
Le secrétaire général de la Caricom (communauté des Etats de la Caraïbe), Mr Irwin Larocque, a accompli plus d'une visite pour venir s'assurer que Haïti est toujours dans le même esprit.
D'autant que nous venions d'être sevrés de notre engagement (Michel Martelly ne lésine jamais sur les promesses) à tenir aussi cette année en Haïti l'Assemblée générale de l'OEA, c'est-à-dire des Etats de l'Amérique. L'OEA qui est, probablement, encore mieux informée que nous de nos réalités, a décidé qu'Haïti n'est pas pour le moment à la hauteur de ses prétentions et de tenir l'assemblée générale directement au siège de l'organisation à Washington, comme le veut le règlement.

2.000 artistes et 500 officiels ...
D'où un surcroit d'inquiétudes pour le secrétaire général de la Caricom, Irwin Larocque. On parle du séjour dans le pays de au moins 2.000 artistes et de 500 officiels de gouvernement.
Mais finalement, est-ce sous l'influence des dieux Vodou, on a pu convaincre, cela grâce à une mobilisation de toutes les ressources culturelles (culture au sens le plus large) du pays.
Un comité d'organisation est formé, dont la présidente d'honneur est notre jeune ministre de la culture, Dithny Johane Raton et la directrice générale une intime du président Martelly, Elza Baussan. Les autres postes de direction sont assurés par des artistes chevronnés dont Philippe Dodard, directeur de l'Enarts (école nationale des arts), Herold Josué, directeur du Bureau national d'ethnologie et pour la communication l'écrivaine Emmelie Prophète, directrice de la Bibliothèque nationale. Toutes les ressources culturelles du pays, dans quelque domaine que ce soit, sont sollicitées : mode, arts culinaires, artisanat, tourisme, littérature etc. On annonce aussi la participation d'éminents écrivains de la Caraïbe.

'Liberté ou la mort' ...
De plus, l'événement se tiendra simultanément dans 5 villes symboles à leur manière de la glorieuse histoire de la première république noire indépendante du monde.
Thème retenu : 'Nos racines, notre culture et notre avenir commun.'
Ce sont la capitale Port-au-Prince ; le Cap-Haïtien, ex-Cap-Français, mais où retentit aussi le premier cri 'liberté ou la mort' par des Noirs dans les Amériques (justement dans la nuit du 21 au 22 Août 1791), puis siège du royaume du roi Christophe, où aura lieu, selon Hérold Josué, une nouvelle conception du spectacle intitulé 'le Jubilé de la reine', mettant en avant le concept d'ethno-scénologie ; Gonaïves où fut proclamée l'Indépendance le 1er Janvier 1804 et qui abrite les hauts lieux du Vodou haïtien ; les Cayes (Sud), troisième place-forte sous la colonie et le Camp-Gérard où fut scellée l'union des noirs et des mulâtres pour l'assaut final contre le colon esclavagiste, et Jacmel d'où partit le Libertador Simon Bolivar pour sa dernière expédition qui libérera le Venezuela, la Colombie etc.

Déposez les armes pour un moment ...
Ainsi côté Histoire et culture, Haïti n'a rien à envier. Cependant on n'a pas senti l'intérêt des autres secteurs nationaux pour l'événement, à commencer par le monde des affaires. Pourtant on partage beaucoup de grandes marques d'entreprises, certaines florissantes, avec le reste de la Caraïbe.
Pas plus que du côté de la représentation diplomatique internationale alors que celle-ci est si affairée dans la conjoncture électorale.
En effet nous sommes en pleine période des élections. Des législatives ont eu lieu le 9 Août écoulé. Et qui nous laissent en général insatisfaits.
Et c'est là surtout que le bât blesse. Depuis, l'actualité nationale ne résonne que des protestations et même des promesses pour une relance des troubles pour les temps à venir.
C'est dans cette atmosphère de bruits et de fureurs que va se tenir la fête Caraïbe, et pour la première fois en Haïti.
Pendant une semaine, du 21 au 30 Août, nous allons nous retrouver sous les feux de la rampe.
Nous vous prions, chers compatriotes : acceptez de déposer les armes pour un moment. Faites à vous-mêmes, pour une fois, ce cadeau qu'on appelle la paix des braves.
Souvenez-vous que nous avons manqué la célébration du Bicentenaire de notre Indépendance, le 1er Janvier 2004, toujours à cause de cette même maudite crise politique, qui n'en finira pas de détruire le prestige de la patrie de Dessalines. Et toute notre réputation dans le monde.
Enfin n'oubliez pas que les pays de la Caricom nous soutiennent dans notre actuel combat quasiment racial (oui, encore une fois) avec nos voisins dominicains et que c'est la moindre faveur à leur faire en permettant que le Carifesta soit le seul grand titre de l'actualité nationale pendant les jours qui viennent.
Nous le devons pour le bien aussi de nos compatriotes haïtiens qui vivent, ou qui tentent de trouver un abri dans les autres pays de la région.
Pour finir, nous le devons à nous-mêmes. N'est-on pas fatigué de ne multiplier que des expériences négatives.
Vive le Carifesta. Que vive Haïti !

Marcus - Haïti en Marche, 15 Août 2015