Haïti : Jouthe veut rouvrir les factories mais dans quelles conditions ?
MIAMI, 18 Avril – Le Premier ministre Joseph Jouthe annonce qu’il a donné l’autorisation de fonctionnement aux ‘factories’ à partir du lundi 20 avril. On appelle en Haïti factories les usines d’assemblage d’articles habituellement de consommation courante, vestimentaire principalement, et destinés uniquement à l’exportation, principalement vers les Etats-Unis avec lesquels Haïti possède des accords spéciaux destinés officiellement à encourager la création d’emplois dans notre pays.
Ces emplois sont réunis dans des parcs industriels, dont le premier et le plus important est celui de la capitale, communément appelé Parc Industriel de Port-au-Prince.
Puis vient aussi le parc industriel CODEVI (zone franche à la frontière avec la République dominicaine mais employant une main d’œuvre principalement haïtienne) ainsi que celui de Caracol (Nord-est du pays).
‘Le Premier ministre Joseph Jouthe a annoncé qu’à partir du lundi 20 avril, le gouvernement va autoriser (ce qu’il appelle) les industries textiles à recommencer à fonctionner. Ces industries comptent beaucoup pour le gouvernement, a-t-il dit, avec les 56.000 emplois qu’elles fournissent. Nous devons les autoriser à travailler même à 60 pour cent de leur personnel en vue de respecter la distanciation’ (distance d’au moins 1m 50 à maintenir entre deux personnes pour empêcher la contamination éventuellement par l’épidémie du Coronavirus, qui a déjà affecté plus d’un million et demi de personnes dans le monde, et conduit plus de 162.000 dans la tombe.)
Argument invoqué par le Premier ministre haïtien : ‘alors qu’on pouvait craindre jusqu’à déjà 5.000 victimes, notre pays exceptionnellement ne connaît jusqu’à présent que quelque 40 contaminés (44 à la date du 18 avril) et 3 morts.’
C’est en effet un argument valable à l’heure où le gouvernement américain (bilan aux Etats-Unis à date plus de 39.000 morts) envisage malgré tout de reprendre les activités, principalement économiques, et pour commencer d’abord dans les Etats qui sont les moins affectés par la terrible épidémie.
Mr. Jouthe n’est donc pas le seul à penser ainsi.
Cependant à quelles conditions ? Quelles précautions compte-t-il prendre ?
Lors de son point de presse du mercredi 15 avril, ‘il a demandé de poursuivre les inspections dans les parcs industriels en vue de vérifier si les normes sont respectées.’


Et c’est ici que le premier ministre haïtien diffère totalement de ses homologues américains.
Lors du point de presse du président américain Donald Trump le vendredi 17 avril, le mot qui était sur toutes les lèvres c’est celui de TEST.
Seule la soumission au test du Coronavirus peut autoriser à mettre des gens ensemble sans craindre leur contamination réciproque, même si un seul individu entre plusieurs dizaines, est porteur du virus.
Du fait que le virus est invisible, incolore, inodore, donc qu’on ne peut pas courir de risques.
Le premier ministre semble s’en remettre à la distanciation disons physique (maintenir les gens à une distance d’au moins 1m 50 les uns des autres) or si jamais cette disposition est possible dans nos ‘factories’ mais elle ne garantit pas le même résultat quand des gens passent plusieurs heures à travailler au même endroit.
Voire si une personne en vient à être contaminée et rentre chez elle disons avec. Transport en commun, la famille, le voisinage etc.
Nous ne disons pas que la réouverture des factories est une mauvaise décision en soi, vu qu’on serait trop content dans d’autres pays de disposer des mêmes conditions qu’actuellement en Haïti : seulement 44 contaminés et 3 morts … cependant mal utilisée cette opération peut devenir celle qui mettra le feu aux poudres, celle qui peut déclencher des ravages de l’épidémie pires que partout ailleurs étant donné notre pauvreté légendaire en équipements sanitaires.
Joseph Jouthe doit savoir quel énorme risque il nous fait courir.
Or ce n’est pas fini. Le TEST n’est pas un VACCIN. Il ne met pas à l’abri définitivement du virus. Vous pouvez tester négatif le jour que vous le subissez, puis une semaine voire un mois plus tard, après avoir rencontré par hasard une personne contaminée, vous testez positif.
Aux Etats-Unis on prévoit donc de faire subir dans ces cas-là un autre test quelque deux semaines plus tard (14 jours étant le temps d’incubation, c’est-à-dire celui mis par le virus pour commencer à se manifester).
Cela étonnerait que nous ayons de tels moyens en Haïti.
Mais ce n’est toujours pas fini. Il faudrait un sondage pour déterminer parmi le personnel ouvrier ceux ou celles souffrant déjà d’affections qui favorisent la progression du Covid-19 jusqu’à éventuellement la mort d’une personne contaminée. Comme on sait ce sont le diabète, les maladies cardio-vasculaires, l’hypertension, le surpoids et .. les rescapés du Sida.
Nous reprenons que nous ne sommes pas contre la réouverture en soi des parcs industriels, fermés depuis l’entrée en vigueur il y a environ un mois des mesures du gouvernement haïtien dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, mais comme les craintes qu’on pouvait avoir ne se sont pas (pas encore !) matérialisées, il est possible de revoir certaines de ces mesures …
Oui mais pas comme si la situation était redevenue normale, comme par magie. Il y a des conditions indispensables à remplir sinon …
Et cela nécessite un engagement absolu de la part des décideurs. Tous les décideurs. Y compris les compagnies étrangères qui investissent dans nos parcs industriels.
Mais voilà le ton habituellement trop enjoué du PM Joseph Jouthe, ne convainc pas suffisamment.

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince