Responsabilités du FMI dans la crise
MIAMI, 16 Septembre – Ariel Henry aurait lors de son récent séjour à Miami (Floride), du 7 au 9 septembre, accepté de signer un accord avec le FMI (Fonds Monétaire International) en vue de l’obtention de nouveaux prêts internationaux par Haïti.
Commençons par dire que le Premier ministre de facto d’Haïti n’a pas ce pouvoir-là parce qu’il n’est pas un élu …
De plus il ne bénéficie pas de l’approbation du parlement puisque celui-ci réduit à un tiers du sénat, faute d’élections depuis plus de deux années, n’a pas non plus de pouvoir de décision.
On devrait donc seulement dire que Ariel Henry a promis de signer avec le FMI. De quel droit ? Celui que lui confèrent nos ‘grands amis’ de la communauté internationale, avec en tête l’administration Biden qui est son principal soutien … dit-on pour services rendus : le chef du gouvernement haïtien se serait engagé à accueillir tous les sans-papiers haïtiens qui cherchent, comme aussi des dizaines de milliers de sud-américains, à trouver un abri aux Etats-Unis contre la faim, la misère et l’insécurité par les gangs et trafiquants (article du New York Post, 15 septembre 2022).
Le mercredi 7 septembre le premier ministre de facto d’Haïti s’envolait pour Miami pour rencontrer des ‘milieux d’affaires impatients d’investir en Haïti’, disait une note officielle de son bureau à Port-au-Prince.
Laissant déjà derrière lui un pays en ébullition : routes bloquées par des manifestants et offices publics ou privés dévalisés. (Bref tout à fait l’anarchie, mais on y reviendra).
A son retour de Miami, le 9 septembre, Ariel Henry ne mentionne pas les fameux milieux d’affaires mais annonce à brûle pourpoint l’augmentation immédiate des prix à la pompe des produits pétroliers.
Ce qui fut dit fut fait. En dépit de la colère populaire. Les tarifs sont portés à plus du double : la gazoline de 250 à 570 gourdes ; le diesel de 353 à 670 gourdes et le kérozène – dit aussi ‘gaz-maison’ parce qu’utilisé en guise d’électricité chez les plus pauvres – de 352 à 665 gourdes.
Et application immédiate.


Pourquoi ?
Parce que notre tout puissant chef du gouvernement (soulignons que, exceptionnellement, le poste de président de la république a été supprimé pendant son administration, ce qui n’existe nulle part dans la Constitution en vigueur - mais c’était peut-être déjà une étape vers les ‘pleins pouvoirs’ actuels et les objectifs devant y être atteints !), Ariel Henry se serait donc engagé à remplir une des conditions essentielles fixées par le Fonds Monétaire en échange de son autorisation à avoir accès à des prêts internationaux : la suppression de la subvention sur le prix du carburant.
Ce qui fut dit fut fait. Sauf que le proverbe créole dit : ‘fè bourik la janbe dlo a se youn, men fè li bwè dlo a se yon lòt.’
Les rues de la capitale et de toutes les grandes villes du pays entrent en ébullition. Banques, bureaux de l’Etat, organisations d’aide humanitaire dévalisés, ainsi que les domiciles de certains proches du pouvoir.
Mais tout aussi significatif c’est l’accord proposé par le FMI. Nous en avons une copie grâce à une agence de presse haïtienne (RHInews) :
Bien entendu cela commence ainsi :
« Les autorités (haïtiennes) se sont engagées à mettre en œuvre des politiques qui commenceraient à rétablir la stabilité macroéconomique et la croissance, à renforcer la gouvernance et à commencer à réduire la pauvreté.
“Les autorités se sont engagées à mettre en œuvre une série de mesures administratives, notamment le renforcement de l’utilisation du numéro d’identification fiscale et l’assainissement des portefeuilles des contribuables, la révision des régimes fiscaux spéciaux dans un nouveau Code des impôts, notamment en supprimant certaines exonérations, et la finalisation et la publication du nouveau Code des Impôts, Code des Douanes et Tarif des Douanes.


‘‘Cela simplifiera le système fiscal, le rendant plus transparent et donc moins sujet aux abus de gouvernance’’, selon l’organisation financière internationale.
“Conformément aux exigences du Fonds Monétaire International (FMI), le gouvernement de facto a décidé de ne plus subventionner le carburant, ce qui représente une économie de plus de 9 milliards de gourdes par mois.
“Selon le régime en place, cette subvention profitait plutôt à ceux qui ont les moyens de payer le prix normal des produits pétroliers.”
Pardon ! Car en regardant de plus près les nouveaux tarifs, nous constatons que celui qui subit la plus forte augmentation c’est le KEROZENE qui passe de ‘352 à 665 gourdes.’
Si le FMI ne savait rien de nos conditions de vie où comme d’habitude ce sont ceux-là au plus bas de l’échelle qui portent la plus lourde charge fiscale et autres, eh bien en voici exactement la preuve !
Tout comme on lit plus loin: “Le SMP (on appelle ainsi un programme de monitoring par des techniciens de l’organisation) vise également à augmenter les recettes intérieures, qui se sont effondrées ces dernières années sous la pression des troubles sociaux, des problèmes de recouvrement et de la crise sécuritaire.”
Voilà ! Seuls les pauvres qui ont tort et de plus faut pas bouger le petit doigt. “Les recettes intérieures se sont effondrées ces dernières années sous la pression des troubles sociaux … “ et non le contraire !
Oui, ce sont les manifestations de protestations qui sont la cause de la disparition des recettes … et non la corruption et le détournement des ressources publiques à des fins personnelles et mafieuses qui augmentent la misère et les privations amenant le peuple à descendre dans la rue comme cette semaine !!!
On découvre ainsi de nombreuses perles à la lecture de ce projet d’accord venant, dit-on, des spécialistes du FMI.
Par exemple, « Le FMI avait souligné que les autorités prévoient de préparer le terrain pour éventuellement s’attaquer à ce problème. Dans un premier temps, ils ont lancé en avril plusieurs programmes sociaux dans le cadre du Programme d’urgence destinés aux groupes touchés par les ajustements antérieurs des prix du carburant.’’
Vous avez entendu : Lancement “en avril dans le cadre du Programme d’urgence de plusieurs programmes sociaux destinés aux groupes touchés par les ajustements antérieurs des prix du carburant.’’
C’est-à-dire que les plus pauvres ont déjà été compensés de la perte de la subvention par la création de ‘plusieurs programmes sociaux.’
Qui est-ce qui ment? Le gouvernement d’Ariel Henry ou le FMI? Ou plutôt comme dit le créole: ‘se byen jwenn ak byen kontre’
En français, c’est du pareil au même.
On comprend que le Dr. Ariel Henry ait voulu négocier tout seul et sans l’avis d’aucun secteur ni politique ni social ni autre.
L’ennui c’est que notre Constitution ne lui donne pas ce pouvoir-là.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 16 Septembre 2022