Quelle signification pour Haïti ?

MIAMI, 7 Juin – Le Sommet des Amériques, qui a débuté officiellement lundi, entre ce mercredi, 8 juin 2022, dans sa phase concrète avec rencontre des principales délégations en majorité conduites par le numéro 1 des pays invités, président ou premier ministre.
Celle d’Haïti sous la houlette du premier ministre par interim Dr. Ariel Henry.
Mais tout de suite c’est une grande déception pour l’administration américaine avec le refus de participation au sommet par le président du Mexique Andres Manuel Lopez Obrador pour protester contre la décision par Washington de ne pas inviter le Venezuela, le Nicaragua et Cuba parce que ces pays « ne respectent pas les libertés démocratiques. »
Le choc est encore plus dur que la Maison blanche a tenté de lâcher du lest : c’est la levée soudaine des restrictions pesant sur les voyages à Cuba ainsi que sur les transferts ; ainsi que de l’embargo sur le pétrole vénézuélien, ouvrant de nouveau à ce dernier le marché américain et international …
Mais AMLO (surnom du président du Mexique) persiste et signe. Il ne vient pas à Los Angeles, mais il rencontrera, promet-il, Biden seul à seul dans un mois à la Maison Blanche.
Quel est alors le programme pour les dirigeants qui se rencontrent cette semaine au Sommet des Amériques ?
La parole est à l’hôte principal.
« Selon le principal conseiller à la Maison blanche pour l’Amérique latine, Juan Gonzalez, le président Biden va profiter du Sommet pour faire des annonces sur la coopération économique et la lutte contre la pandémie (Covid) ainsi que contre les changements climatiques. »
Le président américain, qui se rend ce mercredi à Los Angeles, « espère aussi conclure un accord de coopération régionale sur un sujet potentiellement explosif et qui lui vaut de violentes critiques de l’opposition républicaine : l’immigration, un enjeu majeur de politique intérieure à l’approche des élections (américaines) dites de mi-mandat » en novembre prochain.
C’est ici que la participation d’Haïti au Sommet entre en jeu. Jamais (comme on sait surtout par le nombre de rapatriements opérés chaque jour depuis les Etats-Unis à l’aéroport de Port-au-Prince ou du Cap-Haïtien) autant de nos compatriotes n’avaient risqué leur vie pour parvenir aux Etats-Unis, en mer ou par la frontière avec le Mexique, cela depuis au moins trente ans.
Et aujourd’hui c’est pour être impitoyablement et immanquablement refoulés sans conditions à leur point de départ. Les vols de rapatriement en Haïti sont quotidiens.
D’un côté le président Biden renie une promesse électorale de mener une politique d’immigration ‘plus humaine’ que son prédécesseur et rival républicain Donald Trump.
De l’autre, comment faire passer la thèse avancée aujourd’hui par la Maison blanche pour une approche (disons) ‘globale’ de la question d’immigration, à savoir que ses vraies causes sont économiques ?


Et ainsi de suite, sur la base d’« une stratégie de responsabilité partagée et de soutien économique pour les pays les plus touchés par le mouvement migratoire. »
Oui comme on le répète depuis toujours. Mais aujourd’hui attention, il y a de la concurrence dans la région. C’est la grande Chine. C’est aussi cette semaine que les marchés européens se réjouissent que le grand port de Shangaï soit ouvert à nouveau au commerce. La métropole chinoise a été confinée le mois écoulé pour cause d’épidémie de Covid. La Chine est le plus grand importateur pour les industries européennes, menacées en ce moment comme tout le monde par la montée de l’inflation.
Or Pékin n’a cessé aussi de gagner des adeptes dans tout le continent américain. Ainsi qu’avec les pays de la Caraïbe.
« En 2016, la Chine (Pékin) était le premier ou le deuxième partenaire commercial de l’Argentine, de la Bolivie, du Pérou, de l’Equateur … et la première ou deuxième source des importations du Belize, du Costa Rica, du Honduras, du Mexique, du Nicaragua, du Paraguay, de l’Uruguay et du Venezuela. »
Outre que le président Xi Jinping « a annoncé en 2015 vouloir investir 250 milliards de dollars dans la région en l’espace de 10 ans. »
Jusqu’à notre voisine la République dominicaine qui a renoncé à Taïwan et ouvert aussi des relations diplomatiques avec Pékin.
On entend d’ici l’expression qui résonne aux oreilles du président américain : Qui dit mieux ?
Or de plus Biden se présente comme un adversaire résolu de la percée économique chinoise dans le continent.
Bien entendu avec Haïti il n’a aucune difficulté ; rien à craindre. Notre pays est l’un des plus inféodés à l’Oncle Sam. Serait-ce à cause de notre échec total sur le plan économique et commercial … voire celui des investissements.
Dernières statistiques : 2,9 milliards d’importations ; pour des exportations chiffrées seulement à 721 millions. Chiffres de 2020.
Evidemment la dégringolade continuant de s’accentuer jusqu’à date, jointe au règne des gangs armés qui ont pris possession particulièrement de la capitale Port-au-Prince où vit plus du quart de la population totale du pays (11,5 millions), ne reste que la route de l’émigration pour des dizaines de milliers de compatriotes et chaque jour encore plus.
Quelle position entend défendre dans ces conditions la délégation haïtienne participant au Sommet des Amériques cette semaine à Los Angeles ?
Oui avec si peu de moyens, y compris politiques, politico-diplomatiques, de ‘leverage’ ou pouvoir de négociations, que peut-on espérer ?
Sauf, ah oui, à revenir au Duvaliérisme pour qui le phénomène ‘boat people’ était aussi une arme face à Washington aujourd’hui comme hier toujours aussi imperturbable !
Mais Duvalier c’était la dictature.
Et pourtant on se demande s’il n’aurait pas également été invité cette semaine, respect des libertés démocratiques ou pas !!!
Comprenne qui voudra.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 7 Juin 2022