Disparition de l’Etat et Corruption

Jacmel MIAMI, 20 Avril – Un incendie a ravagé mardi au lever du jour le marché de Jacmel, du moins une bonne partie. Celle consacrée aux produits importés (articles de ménage, vêtements, produits de beauté et autres …).

Donc un coup dur pour les marchandes et petits commerçants qui vivent sur des emprunts. Une tragédie pour toute la ville. A nouveau plusieurs milliers sans ressources. Dans un pays qui plonge économiquement dans le néant. Et à une époque où le monde entier est menacé par la crise économique.

Vu le climat d’insécurité qui sévit de plus dans le pays (meurtres et kidnappings quasi quotidiens tous ces derniers mois), on pense automatiquement à un acte criminel.

Mais il semblerait que tel n’est pas le cas.

Nos renseignements penchent plutôt pour la négligence du côté des pouvoirs publics. Le feu se serait déclaré d’abord sur des montagnes d’immondices à proximité du marché mais qui n’ont pas été enlevées depuis plusieurs semaines.

De plus les sapeurs-pompiers de Jacmel n’ont jamais brillé par leur performance.

Mais où sont les autorités municipales ?

Tout juste bonnes, me direz-vous, pour organiser le carnaval annuel de Jacmel qui est en effet un ‘must’, un rendez-vous incontournable et un défi relevé cette année encore malgré des conditions très difficiles.

Même quand le gouvernement central (Port-au-Prince) n’est pas à la hauteur comme ce fut cette année le cas (le premier ministre Dr. Ariel Henry ayant décidé que le carnaval n’est pas une priorité avec une telle insécurité et aussi au temps d’épidémie de Covid-19), laissant la municipalité jacmélienne se débrouiller toute seule, y compris avec plusieurs mois de salaire impayés à ses cadres, dont les employés de la voirie.

D’où cette espèce de grève sur le tas. Ces derniers laissent les immondices envahir tout le paysage.

Tout le pays disparait sous ces montagnes de déchets. C’est donc exactement là que le feu se déclare mardi à l’aube.

Les sapeurs-pompiers finalement ont fait de leur mieux puisque c’est tout un bloc, toute une rue dont il s’agit, en effet en face du marché se trouvent l’un à côté de l’autre et dans une rue bien trop étroite et toujours embouteillée par les transports en commun : le bureau des contributions (DGI), le poste de police, la succursale de la banque nationale etc.

Autrefois le Marché de Jacmel était un vrai monument départemental et national. Tout à fait une réplique du Marché en Fer de Port-au-Prince ou Marché Hyppolite, c’est-à-dire un motif de cartes postales.

Mais comme dans Port-au-Prince, la capitale, la surpopulation rendit vite l’endroit inadapté. Cependant grâce aux fonds Petrocaribe (économies sur le pétrole reçu du Venezuela à un tarif avantageux pendant plus d’une décennie), le gouvernement entreprit de déplacer le marché.
Chose faite.

Mais la ville de Jacmel n’échappe pas aux maux principaux qui accélèrent la disparition de notre pays : l’absence des institutions publiques et la généralisation de la corruption.

D’un côté la municipalité se plaint de ne pas recevoir de l’Etat central de quoi exécuter les salaires pour les employés municipaux.

Mais de l’autre côté les élus municipaux laissent la ville disparaitre à vue d’œil, or cela en même temps qu’il existe un énorme boom dans la construction, la vente du pétrole, les activités portuaires, l’aéroport etc.

Donc Jacmel aurait dû pouvoir survivre avec ses propres moyens. Donc une seule explication : la corruption.

Retour aux deux incontournables du problème haïtien : une bureaucratie dépassée et une corruption généralisée.

Vous pensez à la décentralisation ? Port-au-Prince n’a plus les moyens de tout concentrer entre ses mains. Avec une bureaucratie crasse et même crasseuse et en même temps la disparition des ressources budgétaires autant dans l’anarchie des affectations diverses et purement intéressées, gouvernement après gouvernement, régime après régime, que dans le détournement des fonds de la caisse publique par des politiciens malhonnêtes …

Cela à la capitale mais sur place aussi, à l’intérieur du pays c’est pas mieux. Dans une région en plein boom comme Jacmel et sa région, c’est l’acoquinement des élus à tous les niveaux avec les grands importateurs en tout genre.

Comme on dit, des deux côtés le mal est infini.

Comme on disait aussi autrefois, seule solution : révolution.

Mais hélas, il faudrait commencer par définir de quelle sorte !

Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince