C’est aussi une Révolution !

MIAMI, 29 Mars – Il fut un temps où une seule journée de grève nationale aurait solutionné le problème des gangs armés qui font la loi en Haïti.
Il aurait suffi que le quartier commercial de Port-au-Prince reste fermé pendant une journée. Bloquant toute activité. Le gouvernement prend peur. La police investit tous les points chauds. Problème résolu.

Donc première observation. Il n’y a plus de quartier commercial à Port-au-Prince. C’est toute la capitale qui est devenue une immense poubelle. Affreux, sale … et méchant ! Les criminels circulant comme un poisson dans l’eau.

Donc numéro 1 : le problème est d’abord comme on dit structurel. Tant que la capitale restera cet immense bidonville qu’elle est devenue, la criminalité continuera d’être un casse-tête. Or Haïti n’est pas un cas unique loin de là. On pourrait même dire la même chose de Times Square, New York. Voire des mégapoles comme Rio au Brésil, ou en Inde, Pakistan, Pretoria (Afrique du Sud).

Il nous faut donc sortir de notre sous-développement chronique, de notre crasse. Mais d’abord de notre esprit sous-développé. Et surtout de notre indifférence à cela.
Bien entendu ici cela s’adresse d’abord aux détenteurs de la richesse nationale ainsi que du pouvoir. C’est eux les principaux responsables du merdier dans lequel on se trouve, nous pataugeons. Point.

Donc sans un changement total-capital des structures et d’abord à la tête, tous les efforts qu’on peut faire c’est vain, ‘se lave men siye atè.’


Voilà donc l’objectif que doit se donner le combat mené en ce moment, à toute lutte il faut un idéal qu’on veut atteindre. Pour nos ancêtres c’était sortir de l’esclavage, pour nous aujourd’hui c’est sortir de la crasse dans laquelle on nous a enfermé. Et qui n’en est pas moins un esclavage. Aucune évolution pour nos enfants. Avec les gangs jouant le rôle du fouet du maître.

Ceci étant dit, tout effort comme les manifestations et protestations qui ont lieu en ce moment doivent bien entendu être encouragées.
D’ailleurs ces mouvements permettent aussi de faire une certaine analyse des forces en présence.
Si les secteurs qui sont quotidiennement victimes des gangs criminels prennent une position plus directe, plus tranchée, d’autres se croient obligés de conserver une approche un peu plus nuancée.

Ainsi les syndicats du transport en commun, dont les gangs s’emparent quotidiennement de leurs véhicules (tap-taps, mini-bus, taxis, taxi-motos etc) prenant leurs passagers comme otages, éventuellement tuant le chauffeur, ont été les premiers à lancer le mouvement …

Par contre c’est la première fois que des secteurs habituellement prudents comme appartenant à ce qu’on appelle l’élite sociale, descendent eux aussi dans la rue. Du moins participent à coups de pétitions.

Parce que les gangs eux ne font pas dans les considérations sociales. Ils ne s’intéressent qu’à votre argent. A votre gagne-pain.

On aurait aimé bien entendu une plus franche intervention du patronat. Dans toutes ses composantes …
Comme au temps jadis comme je vous disais plus haut, où une seule journée de grève du quartier commercial de Port-au-Prince aurait suffi pour résoudre le problème.

Mais ‘apre yon tan, che yon lòt’. De plus le patronat n’a pas oublié comment la dictature Duvalier faisait ouvrir ses magasins par l’armée pour les livrer au pillage.
Avant de terminer un autre point à signaler ce sont les grandes gueules, ceux qui viennent prêcher le ‘soulèvement général’.

Gare à ces prophètes du vide. Et du chaos. Et qui ne font que reproduire le même schéma trompeur parce que n’apportant que du vent. Puis pour finir, la tempête.

Bien entendu comme dans toute révolution car c’en est une qui commence aujourd’hui en Haïti ne vous y trompez pas, il en faut pour prendre la tête mais pas toujours les mêmes, laissez le mouvement créer lui-même ses propres … leaders.

Parce que ce n’est pas une révolution comme les autres. Il ne s’agit pas de prendre le pouvoir. Non Il s’agit de moderniser notre pays. Notre espace de vie. Rechercher comme on dit un aller-mieux. On ne peut pas continuer à vivre dans une poubelle, dans ce merdier. Honte à nous. Qui que nous soyons. Riches, patrons, gouvernants, intellectuels, jeunes et moins jeunes. C’est nous encore qui créons les gangs. Ce sont les fils dénaturés de cela même que nous avons produit. Du moins que nous avons accepté. Qui que nous soyons. A tous les degrés. Toutes les échelles. Du haut en bas.

Oui c’est une révolution. Un ras-le-bol. Pour une autre Haïti.

Et personne ne peut nous arrêter à ce niveau. Core Group ou autre. Puisque nous y avons tous à gagner.
Tous.

Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince