Quelques Leçons de l’Explosion du Cap-Haïtien
MIAMI, 15 Décembre – Le nombre de victimes de l’accident du camion-citerne rempli d’essence qui a explosé lundi soir (13 décembre) au Cap-Haïtien, deuxième ville d’Haïti, s’élevait mercredi matin à 74 morts et autant sinon plus de blessés.
Le premier ministre de facto Dr Ariel Henry a réagi tout de suite en prenant la tête d’un corps de médecins et autres secouristes qui s’est rendu immédiatement sur les lieux.
Première réaction : encore le scandale de la contrebande d’essence qui fait rage depuis maintenant plusieurs mois ?
Aggravé par la dernière décision du gouvernement d’augmenter les prix du carburant à la pompe, en éliminant une subvention remontant à plusieurs années et que les finances publiques ne peuvent plus se permettre.
Probablement aussi une exigence des gendarmes économiques internationaux (FMI-Fonds monétaire international …) pour offrir leur collaboration.
Mais on s’est trompé, ce ne sont pas les responsables de la livraison du carburant qui, dans leur avidité quoique manifeste dans cette crise, sont à la base, du moins directement, de cette nouvelle catastrophe … mais, nous dit-on, la population elle-même.
L’accident s’est produit dans un quartier de forte densité, nommé Samari, à l’entrée sud du Cap-Haïtien (selon l’agence RHINews).
A un tournant de la route, le conducteur du camion-citerne a fait malencontreusement une embardée pour éviter un taxi-moto, et voici le poids lourd à la renverse.
Le conducteur, nous dit-on, s’est alors mis en devoir de prévenir les gens de ne pas s’approcher, la population commençant à s’assembler et plusieurs avec l’intention évidente de faire main basse sur le carburant qui commence à s’écouler.
Mais personne ne l’écoute et soudain c’est une violente explosion qui détruit tout, gens et habitations, sur une bonne distance.
Et cela dans une ville, voire un pays tout entier, qui aujourd’hui n’a aucune disposition pour faire face à pareille situation.
Aussitôt on pense à la contrebande qui a fait rage depuis les dernières raretés sur le marché du carburant.


On pense aussi à l’inexistence de l’Etat si évidente surtout sous la dernière administration du président assassiné le 7 juillet dernier… événement qui est aussi une conséquence tragique du même vide.
Est-ce qu’il y a un quelconque contrôle sur ce commerce du carburant, sur ces mastodontes qui traversent le pays, et nos quartiers si densément peuplés, les chauffeurs ont-ils reçu la formation nécessaire ?
Probablement pas.
Mais plus grave est encore ce que nous révèle la tragique explosion du Cap-Haïtien, c’est comment la population elle-même est profondément pourrie par la crise disons existentielle qui fait rage … Au point de négliger sa propre existence. Comme des rats, les gens surgissant de partout pour s’emparer … de leur part du gâteau.
En effet partout ces derniers mois on ne parle que de contrebande du carburant. C’est la ruée vers l’or … noir. La même semaine, à Port-au-Prince, comme aux quatre coins du territoire national, des citernes de conservation domestique explosent. Mais rien n’y fait. Et selon des observateurs sur le terrain, même la catastrophe du Cap qui n’est pas en mesure d’ouvrir les yeux de la population sur les menaces qu’elle encourt.
Bref un approfondissement de la crise. Une autre phase de cette descente en enfer vertigineuse. Mais plus grave que tout ce qu’on a pu imaginer jusqu’ici. Parce que, de la même façon que la crise de la gazoline est intériorisée par la population, qu’en est-il de celle plus tragique du kidnapping ?
Pourquoi ne se mettrait-on pas aussi à kidnapper dans tous nos quartiers, dans toutes les couches de la société, et spécialement chez les plus démunis ; avec la même bonne conscience puisque c’est un sauve-qui-peut la vie. Et qu’il n’y a plus d’Etat, voire ce qu’il représente.
Pensons y !

Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince