MIAMI, 14 Novembre – Un nouveau terme fait de plus en plus son chemin concernant notre Haïti c’est celui de ‘Economie criminelle’.
Non au sens large utilisé par certains de nos intellectuels pour qualifier le régime traditionnel d’exploitation qui marque les rapports économiques dans notre pays depuis toujours, hélas, mais aujourd’hui de manière plus spécifique.
Même quand le trafic de la drogue faisait beaucoup plus parler de lui (peut-être parce qu’il restait encore tant soit peu de l’économie normale) qu’on ne parlait pas autant d’économie criminelle … qu’aujourd’hui.
Celle-ci de toute évidence est liée à l’activité si l’on peut dire économique actuellement la plus répandue … qui n’est ni l’exportation du café ou de la mangue ; ni le tourisme ; ni même le commerce local du carburant qui est actuellement un vrai casse-tête, ni même la drogue, mais … le kidnapping, bien entendu.
Economie criminelle !
On lit quelque part que ces derniers mois, les sommes circulant en Haïti en matière de rançons, friseraient les 30 millions de dollars US.
Economie criminelle, donc ce pactole suit la courbe normale que connait tout investissement de capital.
Capital-travail. C’est ainsi que le simple kidnappeur serait un employé comme un autre. Celui qui opère l’enlèvement dans la rue ou autre, transmet le colis à un autre et celui-ci à un autre … jusqu’au quartier général. C’est un travail à la chaîne.
Bien entendu économie signifie investissements. Grâce à la détention depuis près d’un mois de 17 missionnaires américains dont 1 canadien, on a pu voir le FBI (police fédérale américaine) s’en mêler. Arrestation en Floride de trois personnes, parmi elles des haïtiens-américains, dont la tâche est la fourniture d’armes lourdes au gang, dont des fusils avec télescope (‘sniper’).
Donc gros investissements en armements. Et qui n’ont pas à passer par des voies compliquées comme pour la cocaïne mais achetées la porte à côté, aux Etats-Unis et en plein jour, et débarquées en Haïti à n’importe quel port comme on dit ouvert au commerce extérieur, autrement dit business as usual !
Mais économie cela suppose transfert de fonds et transférer par exemple 17 millions de dollars, qui est la rançon exigée pour la libération des 17 missionnaires, cela ne se fait pas de la main à la main tout de même.


Donc intervention des banques ou des maisons de transferts, n’est-ce pas ?
Il s’agit d’argent criminel, faut-il encore le rappeler.
Qu’en dit la justice haïtienne ?
Existe-il un appareil judiciaire à cette fin ?
Pas que l’on sache.
Quant à la police nationale et autre corps de sécurité, n’en parlons pas.
Comment résister à une économie aussi performante … toute criminelle qu’elle soit ?
Où est donc le fameux FBI local (CIN) que voulait mettre sur pied notre défunt président ? Peut-être avait-il déjà une idée de ce qui se préparait ?
Mais pendant qu’on y est, quel est en effet le plus grand fournisseur d’emplois actuellement dans notre pays si ce n’est le kidnapping ?
D’un point à l’autre des 27. 750 kilomètres carrés. Outre le pays avec le plus fort taux de chômage du continent.
Donc activité florissante. Par conséquent susceptible d’attirer de plus en plus de bras. Attention ce qui met aussi à moins cher notre tête pour le petit kidnappeur. C’est pas rassurant.

Et tout ce pactole va s’investir ailleurs …

Economie cela signifie d’autre part brassage, autrement dit l’argent ainsi gagné se réinvestit dans d’autres branches ou activités.
Est-ce en Haïti même ?
Comme par exemple cette semaine dans le marché noir du carburant ?
Au fond il n’y a plus grand-chose en Haïti même pour intéresser cette économie que la facilité dont dispose l’industrie du kidnapping elle-même pour se renforcer toujours plus chaque jour, pour prospérer, se perpétuer …
Et c’est le plus malheureux parce que les dizaines ou centaines de millions ainsi amassés, et par-dessus nos cadavres et autres victimes (cas de viols courants et autres infamies), tout ce pactole va s’investir ailleurs.
En République dominicaine voisine (du président Luis Abinader qui ne s’en plaint pas !) ; en Floride (le FBI devrait commencer à avoir la puce à l’oreille) ou dans l’immobilier de luxe au Canada, en France ou autre.
Comment lave-t-on les millions du kidnapping comme hier ceux de la drogue ?
Il existe toute une législation internationale pour combattre le flot d’argent sale comme celui partant en principe actuellement de notre pays. Sauf que Haïti joue toujours de n’être pas au courant …
Richesse non comptabilisée et donc ruinant davantage encore l’économie nationale.
Finalement donc il faut espérer que cette nouvelle économie qui prend naissance dans nos murs : l’économie criminelle dit-on, finisse par pénétrer le grand marché occidental jusqu’à devenir une menace pour lui, comme hier la drogue colombienne, pour espérer voir un nouveau tournant dans cette situation.
Economie criminelle, notre nouvelle vocation.
Rien donc ne nous sera épargné.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 14 Novembre 2021