MIAMI, 22 Septembre – C’est devenu une actualité américaine et non plus haïtienne. Du fait d’ailleurs que les politiques haïtiens n’ont qu’une seule réaction : la soumission, pouvoir comme opposition.
Le premier ministre Ariel Henry se fait paternaliste : ‘lakay se lakay’, tandis que les organisations des droits humains, officielles et privées, protestent mais sans moyens d’action.
Par contre les images et vidéos de cowboys à cheval persécutant les migrants haïtiens sans défense essayant de traverser le Rio Grande coulant entre le Mexique et le Texas (USA), ont mis le feu aux poudres provoquant comme on dit une sorte de tempête à Washington contre l’administration démocrate au pouvoir.
Qui plus est, jusqu’au sommet du gouvernement lui-même.
Voici en effet la vice-présidente Kamala Harris qui se déclare indignée et demande une enquête.
Les porte-paroles du gouvernement y perdent leur latin, le président Joe Biden voyant ainsi gâcher l’effet attendu de son premier discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies mardi (21 septembre) parce que à la sortie presque toutes les questions de la presse roulaient sur l’actualité de la crise migratoire ouverte par les persécutions exercées contre les migrants haïtiens à la frontière avec le Mexique (Del Rio, Texas).
L’émission View sous la direction de Whoopi Goldberg fait le tour du monde sur la toile. Viral comme on dit le choc devant ces cowboys s’amusant à effrayer ces pauvres familles, ces réfugiés noirs, tentant d’arriver aux portes du pays qualifié de ‘grand frère’ pour présenter une demande d’asile.
Biden réalise l’erreur qui a été faite en décidant sans réflexion, sans concertation, de sacrifier ces malheureux haïtiens à son opposition républicaine qui l’accuse de n’avoir aucune politique migratoire et d’avoir détruit les efforts dans ce domaine de son prédécesseur Donald Trump.
Pourtant ce n’est pas ce que dit une note envoyée à notre rédaction par l’Archevêque catholique de Miami, Mgr Thomas Wenski.
Nous lisons : « Jusqu’ici l’administration disait qu’il n’y a pas de crise migratoire. Même quand il y avait plus de 200 mille réfugiés attendant d’être reçus. Mais soudain 13 mille haïtiens se présentent et tout de suite il y a une crise migratoire. Une seule solution : c’est les refouler vers Haïti sans ménagement. Pourtant les cubains, nicaraguayens et vénézuéliens sont dirigés vers des points de détention latéraux pour être entendus. Est-ce cela, dit Mgr Wenski, le ‘Black Lives Matter’ »?
Mais s’il y a crise c’était plutôt mardi au Capitole à Washington.
Ladite crise migratoire haïtienne non seulement opposant élus démocrates et républicains mais qui plus est, les leaders démocrates entre eux.
La cheffe de la majorité démocrate à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, ouvre le feu exigeant immédiatement une enquête pour faire le jour sur ce ‘scandale’ tandis que le plus grand allié de Biden au congrès, le président démocrate du Sénat, Chuck Schumer, est ulcéré par ce comportement envers les réfugiés d’un pays dont tout le monde connait les problèmes qu’il traverse en ce moment. Frappé à la fois par un séisme de magnitude 7.2 qui a ravagé trois départements géographiques causant plus de 2.200 morts, une crise politique qui a rebondi avec l’assassinat du président de la république le 7 juillet dernier et des gangs armés tolérés par le gouvernement déchu et qui pillent et assassinent aux quatre coins cardinaux.


Biden, probablement sous le choc, d’autant que pour lui les problèmes brusquement s’accumulent (le retrait difficile d’Afghanistan comme on a vu, le Covid-19 qui revient en force et en ce moment une dispute avec la France autour d’un contrat de sous-marins nucléaires pour l’Australie …), le président semble s’en remettre à son secrétaire d’état à la sécurité intérieure, à ce titre responsable de l’immigration, Alejandro Mayorkas, comme quoi celui-ci s’y connait parce qu’il est un fils d’immigrant, cubain si l’on ne se trompe.
Mayorkas, qui était venu à Miami la semaine dernière annoncer que le rapatriement est la seule issue à la crise (qu’il a mis bien sûr sur le dos des Haïtiens et eux seuls), va probablement emboiter aussi la thèse de l’enquête.
Or depuis quand peut-on mener une enquête sans que la cause qui motive la dispute ne soit bloquée, au moins le temps de l’enquête ?
Mais on espère probablement avoir le temps de rapatrier presque tous ces malheureux haïtiens, entre-temps.
Quant aux dirigeants haïtiens, ils se caractérisent soit par leur ignorance de la question, soit par leur soumission en espérant que le fameux ‘grand voisin’ les récompense en les gardant au pouvoir.
Pas un mot des représentants diplomatiques d’Haïti aux Etats-Unis, malgré tout ce charivari autour de la crise migratoire haïtienne mais crise bien plus en ce moment dans les cercles politiques à Washington qu’à Del Rio, Texas.
Comment un événement jugé banal par la Maison Blanche (on se souvient du ‘shit-hole’ d’un autre président américain), revient comme un boomerang divisant le camp démocrate et jusqu’à l’administration de Joe Biden elle-même.
Autrefois, quand les Haïtiens croyaient encore dans leur Histoire nationale, on aurait dit : ‘ la vengeance des Aïeux ! ‘
En tout cas voici Haïti tout en tête de l’actualité politique à Washington. Malgré les tentatives par les agences de renseignements de banaliser le dossier. Mettant en doute la véracité des photos et vidéos montrant les cowboys persécutant les malheureux réfugiés, en rigolant. Ou annonçant que l’administration américaine a l’intention en 2022 de démultiplier le nombre de sans-papiers qui seront admis aux Etats-Unis.
Ça nous fera une belle jambe !
Mais par-dessus tout c’est l’absence totale des dirigeants et en général des décideurs haïtiens dans ce dossier, qui choque encore plus.
Comme si le destin d’Haïti se joue partout ailleurs … sauf en Haïti.

Marcus Garcia, 22 Septembre 2021

 

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