Premier chef d’Etat abattu par des étrangers sans aucune conséquence internationale
MIAMI, 30 Août – Il faudrait remonter aux temps les plus anciens comme l’assassinat, en 1914, de l’archiduc d’Autriche François Ferdinand par un nationaliste serbe, qui nous vaut entre autres le film Sissi l’impératrice avec Romy Schneider, pour voir un étranger tuer un dirigeant politique numéro 1, président ou souverain.
C’est si exceptionnel que l’événement figure dans l’Histoire comme un déclencheur de la Première guerre mondiale (1914-1918).
Le 7 juillet écoulé, le président haïtien Jovenel Moïse a été tué atrocement, criblé de douze balles, en sa résidence dans les hauteurs de la capitale haïtienne. Et, selon toutes les sources, aussi bien haïtiennes que étrangères, les assassins sont des colombiens.
Même s’il s’agit d’un complot qui pourrait comprendre aussi des haïtiens, ce sont uniquement des colombiens (au nombre de 7, croit-on) qui ont pénétré dans la chambre à coucher du dirigeant haïtien pour l’exécuter ainsi de sang-froid.
L’événement fait beaucoup de bruit sur le plan politique mais n’a pas encore été suffisamment analysé sur ce qui fait son unicité, son caractère unique : pourquoi des étrangers ?
Le président défunt entretenait-il des rapports particuliers avec des Colombiens ? Dans quel domaine ?
Mais contrairement aux conséquences du célèbre assassinat du dimanche 28 juin 1914 passé à l’Histoire sous le nom de l’’Attentat de Sarajevo’, Haïti n’a pas déclaré la guerre à la Colombie.
Ni la Colombie n’a présenté des excuses particulières à notre pays.
Serait-ce donc, numéro 1) que nous sommes tombés si bas ?
Ou s’agit-il d’un événement d’un ordre entièrement privé. En tout cas on n’a pas évoqué jusqu’ici la possibilité que le président Jovenel Moïse ait pu tremper dans le trafic de la drogue ou dans le blanchiment.
D’ailleurs l’enquête sur son assassinat n’a pas bougé depuis les quelques arrestations faites les premiers jours, dont celles de près d’une vingtaine de colombiens retrouvés pratiquement sur les lieux (trois ont été tués dans des confrontations avec les forces de police haïtiennes) et aussi de quelques ressortissants haïtiens mais en majorité détenant la citoyenneté américaine.
Ainsi donc peu de participation haïtienne proprement dite dans l’assassinat d’un président haïtien, précisons en exercice. Donc quoi de plus choquant, de sans précédent, renversant, y compris pour toutes les autres nations du monde civilisé comme cela devrait être ?


Or passée la première minute de surprise, aucun autre gouvernement qui semble se soucier de cette histoire. C’est à croire qu’en effet, Haïti n’existe pas !
Même le long rapport du RNDDH (très reconnu organisme de défense des droits de l’homme en Haïti), qui passe assez rapidement sur l’aspect colombien pour se concentrer surtout sur la présumée complicité haïtienne dans le complot (entendez gardes-du-corps officiels du président assassiné et hauts fonctionnaires du gouvernement).
On lit dans ce rapport : ‘De janvier à juin 2021, plusieurs individus sont rentrés en Haïti parmi eux, au moins trois américains d’origine haïtienne, un vénézuélien et vingt-deux colombiens. Ces derniers ont été recrutés selon leurs dires par la ‘Counter Terrorist Unit’ (CTU) pour assurer un travail de sécurité en Haïti, rémunérés entre 2.700 et 3.000 dollars américains par mois par personne.’
S’ensuit les hôtels où ces étrangers ont pris logement. Mais on n’en apprend pas davantage.
Qu’est-ce que cette ‘Counter Terrorist Unit’ (unité de lutte anti-terroriste) ? En Haïti, jamais entendu parler. Dire qu’on aurait bien besoin d’un coup de main de sa part avec la multitude de gangs armés qui nous pourrissent la vie.
Est-ce un pendant avec l’’Agence nationale d’intelligence’ à laquelle tenait tellement le président défunt, au point que ses conseillers toujours en place ont voulu empêcher le premier ministre en exercice, Dr Ariel Henri, d’y toucher ?
Donc pendant que le président Moïse se préoccupait plutôt de restreindre les libertés de ses compatriotes, comme on dit les loups tranquillement sont entrés dans la bergerie.
Comment un pouvoir qui a la prétention de réguler les moindres faits et gestes des citoyens, n’a cependant aucune réaction, aucune connaissance quand le pays est envahi au sens propre par, tenez-vous bien, des hommes d’armes entrainés, des commandos exercés dont certains auraient même reçu une formation spéciale au sein des forces armées américaines … or personne dans le pouvoir en place, ni le président et ses ex-conseillers encore si agressifs aujourd’hui (‘dan pouri gen fòs sou bannann mi’), ni les ministres placés à cette fin (justice, intérieur et défense nationale …), personne qui s’est trouvé pour se poser ces questions.
Qui plus est, ce sont pratiquement les mêmes qui sont encore en place, près de deux mois après … le parricide du 7 juillet, comme on aurait dit autrefois mais aujourd’hui en Haïti, bof ! ….

Encore un peu, et puisqu’on ne peut les garder sans jugement éternellement en prison, eh bien les mercenaires colombiens pourront regagner leur pays tranquillement …

Tout comme faut-il aussi s’interroger sur la facilité avec laquelle le dossier a été enterré y compris par l’international.
Le directeur général a.i. de la police nationale, Léon Charles, a bien fait appel à Interpol puisqu’il s’agit d’étrangers.
Mais on a l’impression que ce dernier a fait la sourde oreille.
Idem du côté de l’ONU.
Sauf la veuve Martine Moïse, qui ne connaissant pas assez les manières dans ce domaine, demanda au FBI de prendre en main l’enquête.
Mettant les pieds dans les plats puisqu’il s’agit justement d’un cas adressant spécifiquement … la souveraineté nationale. Qui plus est, un président élu et en fonction assassiné brutalement dans sa résidence par des commandos étrangers, qui plus est ces derniers introduits dans le pays à dessein. Du moins selon toute apparence !
A présent, what’s next ?
Rien.
Encore un peu, et puisqu’on ne peut les garder sans jugement éternellement en prison, eh bien les mercenaires colombiens pourront regagner leur pays tranquillement.
Mission accomplie ?
Comment savoir ?
En tout cas, on peut être tranquille : il n’y aura pas de guerre Haïti – Colombie, pas de conflit armé … comme après l’attentat de Sarajevo.
Par contre oui, les Haïtiens ne cesseront de se faire la guerre. Entre eux. Comme ils ont tout de suite repris, et par-dessus le cercueil même du pas si regretté disparu.
Enfin la prochaine fois ce pourrait même être des Martiens qui débarqueront pour accomplir la tâche, qu’aucun de nous ne sera surpris outre mesure.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 30 Août 2021