Martine Moïse candidate à la Présidence …

PORT-AU-PRINCE, 30 Juillet – Moins d’un mois après l’assassinat de son époux le président Jovenel Moïse, la veuve déclare sa candidature à la présidence.
Depuis la Floride où elle réside actuellement, protégée par une agence de sécurité privée américaine, Martine Moïse annonce son intention d’être candidate aux prochaines présidentielles.
Le calcul n’est pas bête : il s’agit de profiter du choc émotionnel provoqué par le brutal assassinat de son époux. Même en Haïti, pays aujourd’hui de tous les extrêmes, qu’un assassinat de président en exercice, bouleverse toutes les prévisions.
D’autre part ce n’est pas pour rien que le couple présidentiel avait de nombreuses firmes de conseillers (lobbyistes) à son service, spécialement dans la capitale fédérale américaine.
A preuve, ce sont les plus grands quotidiens américains qui se bousculent pour recueillir les déclarations de notre veuve éplorée (Miami Herald, New York Times …) alors qu’elle a laissé Haïti après les funérailles de son mari, sans un mot même aux médias les plus inféodés au régime au pouvoir.
Bien entendu on peut opiner que les déclarations de Martine Moïse ne tiennent pas la route. Qu’elle continue à accuser les ‘oligarques’ (c’est-à-dire des membres du milieu des affaires) de l’assassinat de son mari, alors qu’elle n’a aucune preuve formelle puisque, dit-elle, ceux qui ont commis l’assassinat ne s’adressaient entre eux qu’en espagnol. On ne sait pas si madame elle-même connait cette langue. Cependant ils recevaient des indications par téléphone, dit-elle, ce qui les a conduits vers des documents que le président gardait chez lui. Des documents importants, dit Mme Moïse, mais ne précisant pas lesquels ni pourquoi.


Elle voudrait faire croire que ces documents avaient un rapport avec des contrats commerciaux auxquels le président Jovenel Moïse voulait mettre un terme … parce que ne profitant pas au peuple ?
En tout cas aucune trace de cela dans les enquêtes conduites actuellement sur l’assassinat, ni de la part des institutions haïtiennes, ni du FBI (police fédérale américaine).

Elle n’a pas peur de ceux-là qui ont assassiné son mari et elle envisage sérieusement de présenter sa candidature à la présidence ...

Mais là encore l’accusation contre les milieux d’affaires peut ne viser au fond ni rien ni personne en particulier, pour seulement constituer une astuce en vue de s’attirer le vote d’une partie importante de l’électorat, justement le même que son défunt époux n’avait cessé de cultiver ces derniers temps.
Devant en effet son échec à apporter les changements qu’il avait promis en fournitures d’électricité, eau potable, réhabilitation des quartiers d’habitation populaires (bidonvilles) etc, bref en améliorations de la qualité de la vie, Jovenel Moïse s’était mis depuis plusieurs mois et au fur et à mesure qu’approchent les échéances électorales, à cultiver les catégories les plus misérables, celles dont personne en effet ne se soucie depuis ici à la capitale vu les problèmes urgents auxquels les citadins eux-mêmes sont confrontés …
Dès lors toute la propagande gouvernementale, tous les discours du chef de l’Etat n’avaient qu’un seul objectif : le petit paysan haïtien, l’éternel oublié, négligé, et de toute l’Histoire.
Et le pire c’est que c’est vrai.
Désormais les pages des magazines gouvernementaux (télévision et réseaux sociaux) se couvrent de photographies du président embrassant des couples de vieux paysans en faisant miroiter bien entendu là aussi toutes les promesses : irrigation, banque d’engrais etc.
Et voici l’ex-Première dame qui prend aujourd’hui la relève.
Au New York Times, elle déclare qu’elle n’a pas peur de ceux-là qui ont assassiné son mari et qu’elle envisage sérieusement de présenter sa candidature à la présidence.
C’est parti.
« Le président Jovenel avait une vision, dit-elle. Nous n’allons pas, nous autres Haïtiens ‘natif-natal’, la laisser mourir ».
Or la candidature de Martine Moïse n’en est pas une comme les autres et elle vient normalement bouleverser l’échiquier politique.
Commençons par l’équipe gouvernementale en place correspondant exactement avec celui qui entourait le président Jovenel Moïse.
C’est en effet le président lui-même, qui la veille de son assassinat, avait nommé l’actuel premier ministre Ariel Henry et celui-ci n’a pratiquement apporté aucun changement dans son entourage.

Le thème de la campagne est tout trouvé et l’électorat circonscrit. C’est la petite paysannerie, plutôt la plus pauvre et la plus inculte …

Martine Moïse peut donc avoir la certitude d’être appuyée par le pouvoir en place dans sa course à la présidence. Elle était accompagnée de diplomates haïtiens lors de son interview au NYT, note le journal.
Ensuite, le thème de la campagne est tout trouvé et l’électorat circonscrit. C’est la petite paysannerie, en un mot les plus démunis, et partant la majorité. ‘C’est parce que c’est eux que mon mari défendait, et spécialement contre les oligarchies locales depuis toujours bouffeuses de toutes les richesses du pays, qu’il a été assassiné’ , dit l’ex-Première dame (mais bénéficiant des mêmes privilèges que lorsqu’elle était au palais présidentiel).
Il est bon aussi de souligner que cette candidature inattendue ait été annoncée depuis les Etats-Unis et sous la protection étroite d’une firme de sécurité américaine, en même temps que la nouvelle candidate demande au FBI (police fédérale américaine) de ‘retrouver la piste des millions qui ont été utilisés pour financer l’assassinat de son mari’, montrant par la même occasion le peu de cas qu’elle fait de la justice de son pays.

L’opposition ferait bien de mieux calculer elle aussi son tir …

Les oppositions locales n’ont pas encore réagi à ce coup de théâtre … qui n’en est peut-être pas un véritablement car rien ne dit que le défunt n’avait pas l’intention de présenter son épouse aux présidentielles prochaines ( ? ).
Et toujours sur les mêmes thèmes : le pauvre petit paysan ‘mon ami, mon frère’ affamé et méprisé par les élites, de toutes sortes : économique mais aussi sociale, intellectuelle, eh oui.
Le ‘coup de Martine’, appelons-le ainsi, semble pour finir le résultat d’un calcul étroitement, mais aussi froidement, coordonné par les nombreuses firmes de lobbying engagées par le pouvoir actuel à Washington.
Par conséquent l’opposition ferait bien de mieux calculer elle aussi son tir, ses prochaines entreprises.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 30 Juillet 2021