Est-on à la veille d’un coup d’Etat ‘Barbecue’ ?
MIAMI, 19 Juin – Un spectacle à deux volets. D’un côté, au Conseil de sécurité de l’ONU, ce jeudi 17 juin 2021, on tourne en rond, tandis que sur le terrain en Haïti on serait à la veille d’un ‘show down’, du choc final entre la ‘fédération des gangs armés’ (‘G-9 famille et alliés’) et ce qu’il reste des forces de sécurité publiques ou Police nationale.
Dans son dernier communiqué, le condottiere ou chef de guerre Jimmy Chérizier, alias Barbecue, annonce qu’ils n’accepteront pas « d’être trahis et lâchés par le pouvoir en place après que celui-ci les eut utilisés » et qu’ils mettent en garde tous les membres de la police qui tenteraient de s’opposer à leurs initiatives. On rapporte que le ‘G-9’ est en train de procéder à l’occupation des bâtiments de la police nationale les uns après les autres.
Vendredi un agent du corps des CIMO a été abattu dans l’exercice de ses fonctions.
Pendant ce temps le premier ministre a.i. Claude Joseph se trouvait jeudi par devant le conseil de sécurité de l’ONU, à New York, pour un tour d’horizon de la situation. Evidemment ce qu’il a dit ne ressemble ni de près ni de loin à la réalité sur le terrain, mais pourquoi pas puisqu’en face les représentants de l’organisation internationale en Haïti n’avaient à débiter que des lieux communs.
Sur fond de « nécessité d’organiser des élections démocratiques », cela avant la fin du mandat du président actuel Jovenel Moïse (7 février 2022), et puisque seule issue à la crise aux yeux de la communauté internationale - on a droit à un flot de banalités.
Pour Helen La Lime, représentante du Secrétaire général en Haïti : « Toutes les parties doivent de toute urgence mettre de côté leurs différences et travailler ensemble pour s’attaquer aux problèmes politiques prolongés et aux questions structurelles et sociales qui empêchent les progrès du pays. »
Concernant les derniers événements qui ont ensanglanté les quartiers populaires et chassé plusieurs milliers de paisibles citoyens de leurs foyers : « la crise politique profonde qui frappe le pays depuis la majeure partie de ces quatre dernières années ne montre aucun signe de ralentissement »…
Mais à qui la faute ? Toujours selon Helen La Lime : Entre autres, « la rhétorique utilisée par certains dirigeants devient de plus en plus acrimonieuse. »
Mme La Lime ouvrant ainsi la porte au premier ministre a.i. Claude Joseph qui s’empresse dans son intervention de déclarer haut et fort que le pouvoir attend ‘que l’opposition se résolve enfin à jouer la carte du dialogue.’
Poursuivant sur le même ton, la représentante du Secrétaire général en Haïti fait un résumé des plus ennuyeux des accomplissements, tous d’ordre bureaucratique et sans aucun effet palpable : « création début avril par le Gouvernement du Groupe de Travail interministériel sur la réduction de la violence communautaire avec l’appui du BINUH (bureau intégré des Nations Unies en Haïti) » …
Un peu plus loin, « l’exécutif a fait des progrès notables dans la révision et le renforcement de la législation sur l’importation, l’achat et l’utilisation des armes à feu » …
Alors là c’est d’une audace inouïe et ‘Barbecue’ doit bien en rigoler !

Une litanie de déclarations dont le vide trahit ce qu’on redoute le plus : la ‘fatigue’ d’Haïti …

Du petit lait pour le premier ministre haïtien Claude Joseph qui pousse même la plaisanterie jusqu’à oser tirer un tantinet les oreilles à la représentante de l’ONU : « regrettant que le rapport du Secrétaire général n’ait pas suffisamment pris en considération les ‘progrès significatifs’ réalisés au cours des trois ou quatre dernières années (c’est-à-dire pendant la seule présidence de Jovenel Moïse) en matière (nous citons verbatim) de promotion et de respect des droits de l’homme, de lutte contre la corruption, d’amélioration de la gouvernabilité et (non ne riez pas !) de renforcement de l’Etat de droit. »
Evidemment les autres membres du Conseil de sécurité n’y ont vu que du bleu. Aussi ont-ils pris le parti de rester en dehors, ou plutôt, qui plus est, de se réfugier dans une litanie de déclarations dont le vide trahit ce qu’on redoute le plus : la ‘fatigue’ d’Haïti. Un dossier qui loin de bouger, continue de s’enfoncer d’un côté dans la litanie ennuyeuse débitée par la Représentante en Haïti, de l’autre dans l’arrogance de plus en plus affirmée d’un jeune chef du gouvernement consolidé par l’embarras même dans lequel se trouve l’organisation internationale censée lui servir de boussole.
Et c’est le signe le plus évident de ce qui nous attend. Une communauté internationale pour laquelle la crise haïtienne, comme elle n’inspire aucune inquiétude sur le plan international, c’est business as usual.


Tandis que sur le terrain Monsieur Barbecue ne mâche pas ses mots : Pas question de nous utiliser comme monnaie d’échange. « Nèg Pouvwa sa yo Panse yo ka fin Mennen Moun nan Dans epi pou Lage yo nan Won pou Kont Yo. » Ces messieurs du pouvoir pensent qu’ils peuvent nous utiliser comme leur marchepied.

Dernière stratégie : ouvrir de force des entreprises commerciales pour les faire piller par une populace affamée …

Evidemment pour le pays réel, le réveil est brutal. Barbecue seul maître à bord. Jusqu’où ira cette épreuve de force entre les gangs et … un pouvoir dont la stratégie consistait jusqu’à présent à éviter la confrontation avec eux. Bien entendu, c’est aussi dans ce but qu’il leur avait donné naissance. Comme sa main cachée dans la répression contre les manifestations sans déroger ouvertement aux règles de la démocratie. C’est le même Barbecue qui le dévoile dans son appel au peuple souverain.
Dernière stratégie : ouvrir de force des entreprises commerciales pour les faire piller par une populace affamée.
Pendant ce temps le président Jovenel Moïse voyage en Turquie, avec une importante délégation, pour assister à un certain ‘forum de la diplomatie d’Antalya’.
La situation actuelle en Haïti rappelle les signes précurseurs du coup d’état militaire de septembre 1990 à l’actif d’un certain major Michel François, qui avait utilisé comme premières troupes de choc, vous vous en souvenez : des commandos composés de narcotrafiquants.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 19 Juin 2021