MIAMI, 16 Juin – Ce n’est pas une rencontre Biden-Poutine - c’est la grande presse occidentale déchainée contre Poutine, le nouveau Tsar de toutes les Russies qui s’est taillé une constitution pour lui permettre de rester au pouvoir pour encore de longues années (jusqu’en 2036).
Pour l’Occident démocratique c’est bien sûr un outrage. Et ce mercredi matin 16 juin Joe Biden est revêtu des habits de Saint Michel Archange chargé d’abattre le Satan.
Mais cela ne met-il pas en danger la planète entière quand on parle de deux géants capables de faire disparaitre le monde en un clin d’œil ?
Lors de sa dernière conférence de presse avant la rencontre du mercredi 16 juin qui s’est tenu à Genève, Biden a tenté de mettre un peu d’eau dans le vin aux grands médias américains et européens, de calmer le jeu car il serait dangereux aussi pour lui de placer la barre trop haut. Ce n’est tout de même pas Mike Tison contre … Rocky Balboa. Or c’est Biden qui avait ouvert lui-même les hostilités en ayant récemment qualifié devant les caméras son homologue russe de ‘monstre froid, de calculateur, bref oui : un ‘killer’’ (tueur) !
Puis pour tenter de se rattraper la veille du sommet du 16 juin – histoire de faire aussi plus ‘présidentiable’, Biden dit en gros lors de sa conférence de presse la veille de la rencontre : ‘il y a deux catégories de sujets dont nous allons discuter, il y en a qui sont déjà évidents comme le respect des accords existants dans divers coins du monde et d’intérêt mutuel (en tête le contrôle des armements nucléaires stratégiques) mais il y a aussi des sujets que je tiens à évoquer ce sont les droits humains - sans omettre l’affaire Navalny – Alexei Navalny, dissident russe emprisonné après avoir échappé cinq mois plus tôt à une tentative d’empoisonnement, puis soigné en Allemagne il est revenu en Russie pour se faire jeter en prison …
Ce Navalny est une sorte de Jeanne d’Arc aux yeux de la grande presse occidentale !
L’autre sujet qui tient à cœur au président démocrate américain c’est la cybercriminalité (‘cyberattaques’) dont les derniers dégâts constatés aux Etats-Unis sont attribués à la Russie, provoquant des problèmes dont le plus important avait endommagé les circuits de distribution d’essence.
Biden a précisé : nous n’accusons pas le gouvernement Poutine mais nous avons les preuves que la source de ces problèmes est en Russie.
Bien entendu en arrière-plan se trouve surtout l’accusation que Moscou aurait infiltré la campagne présidentielle américaine par la manipulation de câbles numériques, surtout lors de celle de 2016 opposant la démocrate Hillary Clinton au républicain Donald Trump et qui sera remportée par ce dernier.


Outre que Trump n’a jamais caché ses sympathies pour le maitre du Kremlin. Et vice versa.
Mais de l’autre côté, Poutine ne le cède en rien. Et voici la position de Moscou formulée à la veille du sommet du 16 juin : “Nous sommes prêts à discuter et nous n'avons pas de sujets tabous. Nous parlerons de tout ce que nous jugeons nécessaire et nous serons prêts à répondre aux questions que la partie américaine soulèvera. Cela vaut également pour les droits humains", a déclaré lors d'une conférence de presse le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. Il a ajouté que Moscou était "prêt" à discuter (aussi) des "problèmes qui existent aux Etats-Unis", disant être "très intéressé par les poursuites visant les personnes accusées dans le cadre des émeutes du 6 janvier", lorsque des militants pro-Trump ont mené un assaut sur le Capitole, le siège du Congrès américain. Aux Etats-Unis, "il se passe beaucoup de choses vraiment intéressantes, y compris du point de vue des droits humains, du point de vue des droits de l'opposition, du point de vue de la protection de l'opposition", déclaration de Sergueï Lavrov, l’inévitable ministre des affaires étrangères de Poutine.
La partie russe se déclare donc prête à jouer le jeu, à rendre s’il le faut coup pour coup : accusations de violations des droits humains contre accusations de violations des droits humains. Jusqu’à prendre pour prétexte (comme on voit) l’invasion du Capitole le 6 janvier dernier par les partisans de l’ex-président Donald Trump. Donc qui prouverait que la démocratie américaine n’est pas aussi impeccable, ni un modèle unique comme on le prétend.
Et ici c’est la grande presse, aujourd’hui fer de lance de la démocratie occidentale, disons dont l’impact peut dépasser celui des missiles nucléaires dernier modèle … qui est surtout dans le viseur du Kremlin.
Cette presse développe en effet une atmosphère de quasi-déclaration de guerre. Pas seulement la presse américaine. On entend au journal télévisé français ’24 Heures’ l’expression de ‘guerre froide économique’, parlant des rapports avec la Chine (Pékin) et des percées accomplies par cette dernière sur tous les continents en matière d’investissements et de conquête de marché. Mettant en difficulté la réputation de première puissance économique reconnue aux Etats-Unis … en même temps que la pandémie du Coronavirus menace de faire reculer passablement l’Union européenne à ce niveau.
Par conséquent c’est cette presse toute puissante l’arme par excellence aujourd’hui de l’Occident démocratique, autrefois on aurait dit occident capitaliste mais puisque aussi bien Moscou que Pékin sont aujourd’hui montés aussi dans le même train du per-capita.


Outre que la presse occidentale a bien préparé son affaire. Elle n’a aucune compétition dans quelque coin de la planète que ce soit. Probablement parce que aussi plus plaisante, faisant un usage plus intelligent de tous les nouveaux joujoux de l’ère numérique. Pendant que Moscou et Pékin restent encore marqués par l’austérité de l’ère communiste !
Revient-on au temps de la guerre hispano-américaine de 1898 et le rôle qu’y fut joué par la presse pour pousser les Etats-Unis à s’engager contre l’Espagne (qui aboutira à la libération de Cuba et Porto Rico, et autres ex-colonies espagnoles etc) … par deux grands patrons de la presse américaine, Joseph Pulitzer et Randolph Hearst ?
On a vu encore comment Biden a insisté pour que soit remis sur le tapis les soupçons contre Pékin de n’avoir pas tout dit dans la première apparition du Covid-19 dans un marché de Hunan.
Cependant cette omnipotence de la grande presse occidentale a aussi pour conséquence de pousser l’autre camp à user de tous les moyens à sa portée pour tenter de faire face. Y compris par la tricherie, entendez certaines manipulations cybernétiques. Comme dit notre créole ‘tout bèt jennen mòde.’
Mais le ‘petit gars de Saint-Petersbourg’ - Poutine est de la première génération de l’après-Seconde guerre mondiale, qui a grandi au milieu des dégâts dans une Union soviétique dévastée par cette dernière, va se révéler plus malin qu’attendu, un véritable judoka de la rhétorique communicative, comme encore mercredi dans sa conférence de presse après la rencontre avec Biden … tout en concluant que les échanges avec ce dernier ont été, dit-il, ‘positifs.’
Sachant éviter les accusations les plus directes de la presse en faisant de son côté référence à des faits survenus aux Etats-Unis mêmes comme le meurtre de l’afro-américain George Floyd par la police. Et surtout en montrant qu’il connait bien ses dossiers et peut renvoyer la même presse revoir ses copies, prise aux pièges mêmes de son agressivité.
Outre que malgré toute la radicalité de cette campagne de presse, aucune opposition politique véritable n’a pu encore voir le jour à Moscou.
Ni à Pékin.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 16 Juin 2021