PORT-AU-PRINCE, 22 Mars – Que peut l’actuel pouvoir haïtien ? Ni arrêter la chute de la monnaie locale (ce lundi 22 mars : 78 gdes 80 pour 1 dollar américain), voire relancer l’économie ; ni empêcher la fuite des fonds publics qui s’envolent par millions dans des investissements individuels à l’extérieur comme le scandale entre autres de ce sénateur encore en fonction se payant une résidence secondaire de plus de 4 millions de dollars CASH à Laval (Québec) ; ni la moindre tentative de rétablir la sécurité publique : appel à la communauté internationale uniquement pour arrêter quelques membres d’un gang de kidnappeurs dans un quartier de la capitale …
Or comment peut-on attendre d’un pouvoir aussi incapable, oui aussi nul, ayant de plus jusqu’ici été aussi ouvertement de mauvaise foi … qu’il organise une tâche aussi complexe qu’un referendum pour changer la Constitution du pays ? …
Puis la même année des élections à tous les niveaux : municipales, législatives et présidentielles.
Tout cela en l’espace d’une année, en moins d’une année, puisque le président - dont l’opposition ainsi qu’une partie importante de la société civile considèrent que son mandat s’est terminé depuis le 7 février 2021 en fonction d’un article 134-2 de la Constitution en vigueur – puisqu’il ne doit sa présence au palais national que par la seule volonté de la communauté internationale …
Mais encore, comment celle-ci peut-elle espérer que le même Jovenel Moïse (puisqu’il faut l’appeler par son nom) et son administration vont, probablement par la grâce du Saint Esprit, se révéler un beau matin des super organisateurs en tout genre, des champions toutes catégories, pour délivrer un référendum qui n’existe encore même pas sur le papier puisque n’ayant pas encore dépassé, après plusieurs mois, le stade d’une commission de quelques membres appelés à y réfléchir, puis tout de suite après, oui à peine réglé le référendum sur la constitution, c’est le même peuple appelé à retourner tambour battant aux urnes pour la série des convocations électorales, et tout cela en un temps record, quelques mois ou même quelques semaines, puisque Monsieur Jovenel Moïse doit, constitutionnellement, dégager le plancher le 7 février 2022 ?
Non mais de qui se moque-t-on ?


Est-ce que la communauté internationale (puisque c’est uniquement d’elle qu’il s’agit à cette phase des débats comme disait l’autre même si justement il n’y a pas eu débats, mais c’est une décision à sens unique ou en créole ‘gwo ponyèt’), est-ce que le ‘blanc’ nous prend tous pour des imbéciles ?
Elle sait très bien, trop bien, plus que nous tous (comme l’a par ailleurs bien dégagé, avec des chiffres à l’appui, récemment devant le Conseil de sécurité de l’ONU l’ex-ambassadeur des Etats-Unis en Haïti, Mme Pamela White) que l’actuelle administration haïtienne, même toute considération politicienne mise à part, n’est point en mesure de réaliser cette tâche, mais elle (ladite communauté internationale) continue de s’en tenir à son blablabla : le président actuel doit faire les élections (par surcroit ‘libres et démocratiques’) pour remettre le pouvoir à un successeur élu et, tenez-vous bien, le 7 février 2022.
Nous n’allons pas céder aux théories complotistes mais c’est comme si le pays lui-même était mis hors de question en partant !
Oui tous, tant que nous sommes !
Cependant comme disait l’autre : faisons le calcul !
En partant nous sommes en face de gens qui ont fait la preuve, de A à Z, de leur totale incapacité.
C’est au moins une certitude.
Mais aussi, la seule.
On est déjà presque fin mars.
Combien de temps faut-il pour préparer un referendum pour changer la Constitution ?
Voire pour mobiliser tout un pays, pardon un pays qui n’y croit pas ?
Déjà cela commence mal. Parce que, peut-être avec la certitude qu’il leur serait permis d’en faire à leur tête, les dirigeants ont saboté eux-mêmes le processus : décret présidentiel supprimant la carte d’identification nationale et aussi électorale utilisée toutes ces dernières années et son remplacement par une nouvelle carte d’identification mais dont même pas la moitié n’a été encore distribuée …
Par conséquent même pas le quart de l’électorat n’est prêt pour le referendum ni pour les joutes électorales.
Et puis, pour tout dire, c’est parce que le pouvoir en place était si certain de pouvoir l’emporter par la tricherie qu’il s’est empressé de se débarrasser de la précédente carte d’identification nationale.
Comment peut-on alors demander au peuple de marcher dans le même piège ? Même en le maquillant peu ou prou.
Conclusion : tous sont témoins que la machine est bloquée.
A commencer par la communauté internationale dont le regard peut porter bien plus loin que le nôtre.
Alors pourquoi faire perdre au pays encore une année ?
Pourquoi attendre jusqu’au 7 février 2022 pour dresser le constat d’un échec qui est aujourd’hui évident pour tout le monde.
Puisque Jovenel Moïse devra partir obligatoirement.
Pourquoi est-ce le pays qui doit perdre car une année dans l’histoire d’un pays, d’un malade aussi profondément atteint c’est terrible.
Le ‘blanc’ n’a qu’un seul but, nous dit-on : le respect de la Constitution selon laquelle seul un dirigeant élu qui peut remplacer un autre dirigeant élu.
Mais qu’est-ce qui est le plus important : l’intérêt national, l’intérêt égoïste d’un président en exercice ou la satisfaction de la communauté internationale au nom de ses intérêts stratégiques sans aucun rapport avec le peuple qui souffre de cette situation ?
Si c’est la seule façon que nos ‘grands amis’ ont trouvé pour assurer le triomphe du système démocratique, eh bien ils feraient mieux d’y réfléchir car, dans le cas actuel d’Haïti, c’est comme avancer à reculons. C’est du temps perdu. Hélas pour un pays qui ne devrait plus tellement en avoir à perdre.

Marcus Garcia, 22 Mars 2021