PORT-AU-PRINCE, 15 Mars – Jovenel Moïse demande une intervention militaire internationale.
L’information est tombée ce lundi 15 mars par un Tweet du Secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, disant que le président haïtien Jovenel Moïse a formulé une demande pour ‘un fort appui technique de la part de l’Organisation en matière de sécurité.’
Voilà ! Cela se traduit en un mot : le président haïtien fait appel à une demande d’intervention internationale pour pouvoir contrôler la situation.
Quelle situation, me direz-vous ? Haïti ne fait pas face à une révolte populaire. Ni à une guérilla.
Cependant le vendredi 12 mars écoulé, la Police nationale, et sous les ordres du pouvoir en place, a envoyé des unités spécialisées dans un bidonville de la capitale pour mater des bandes armées responsables de nombreux meurtres, pillages et kidnappings quotidiennement mais les malheureux policiers se sont fait massacrer par leurs adversaires.
Cela s’est passé dans un quartier dit populaire dénommé Village de Dieu, qui a, ces dernières années, abrité des victimes de kidnapping contre rançon.
Jusqu’à présent les autorités s’étaient montrées plutôt indolentes, indéterminées face à la généralisation du banditisme, cela malgré les nombreuses manifestations populaires condamnant cette nouvelle culture de l’insécurité et surtout du kidnapping qui s’installe dans notre pays.


Le pouvoir a même fini par être accusé de tolérer cette forme d’insécurité parce que, par l’intimidation qu’elle exerce, la population se trouve moins portée à manifester son mécontentement dans un pays où le niveau de vie a chuté plus que jamais auparavant en même temps qu’on apprend, y compris par la presse extérieure, que les millions laissent quotidiennement Haïti pour aller remplir des comptes en banque personnels à l’étranger.
Puis coup de théâtre, l’événement du vendredi 12 mars à Village de Dieu. 4 des policiers faisant partie de l’intervention sont capturés par les gangs, massacrés, leurs corps sauvagement déchiquetés et refus total par les bandits de remettre leurs restes pour des funérailles.
C’est le choc. Le pays tout entier est consterné. De nombreux policiers remettent leur badge. Avec la sortie lundi du groupe policier dissident, Fantom 509, accompagné d’une immense population, il flotte dans l’air comme une menace de guerre civile … pour commencer au sein même du corps de police qui est la seule institution officiellement admise à exercer la puissance militaire.
Evidemment tout cela dans le cadre d’une conjoncture politique générale marquée par une demande par l’opposition pour que Jovenel Moïse dégage la présidence vu que, en vertu d’un certain article 134-2 de la Constitution en vigueur, son mandat a pris fin depuis le 7 février 2021.
Voire que ledit mandat, c’est plus qu’évident, est marqué par un échec total.
Mais la communauté internationale ne l’entend point de cette oreille et insiste pour que l’actuel occupant du palais national de Port-au-Prince reste en place pour pouvoir (c’est du moins le prétexte officiel) transmettre le cordon à son successeur élu. Malgré que les élections n’aient toujours pas été programmées …
A cause justement de cette insécurité à propos de laquelle le pouvoir en place s’est toujours montré plus que indolent, presque complice.
Mais l’événement du vendredi 12 mars écoulé est venu tout chambouler. Ainsi donc c’est le Secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, qui annonce ce lundi sur son compte Twitter que le président haïtien a formulé une demande pour ‘un fort appui technique de la part de l’Organisation en matière de sécurité.’
Bien sûr Jovenel Moïse s’adresse à l’un de ses plus grands supporters, M. Luis Almagro, en faveur duquel son gouvernement a voté lors du récent congrès pour renouveler le secrétaire général de l’Organisation hémisphérique.
Cependant, comme dirait Staline : de combien de divisions dispose l’OEA ?
L’OEA ne dispose d’aucune force si ce n’est purement symbolique.
Les seules fois qu’on a parlé d’une intervention de l’OEA c’est pour servir de couverture à une intervention par les Etats-Unis eux-mêmes mais afin que cela ne fasse pas ‘agression’ d’un pays par un autre, plus fort. Par exemple, quand après l’assassinat du dictateur dominicain Rafael Trujillo (1961) et qu’un mouvement armé de gauche menaça de prendre le pouvoir dans le pays voisin, vite eut lieu une intervention par les Etats-Unis sous la couverture de l’OEA.
Par contre, lorsque Washington décida de raccompagner en Haïti le président Jean-Bertrand Aristide en exil à Washington (1991-1994) il se révéla que l’OEA n’a pas les compétences, ni au niveau diplomatique car la décision d’intervention internationale implique le Conseil de sécurité de l’ONU étant donné que la Russie, la Chine et les autres grands pays ont aussi leur mot à dire … voire au niveau des capacités militaires …
Seule l’Organisation des Nations Unies qui a ces possibilités comme on l’a d’ailleurs vécu au moins déjà trois fois en Haïti depuis le renversement de la dictature Duvalier (1986).
Donc, en un mot, Jovenel Moïse ne sait absolument rien de ces choses-là.
Il a tout simplement mis notre pays dans de beaux draps … et jusque-là il croit encore pouvoir en tirer parti à son avantage.
Mais après le Tweet du Sec. Gén. Luis Almagro, bien entendu c’est un nouveau chapitre de la crise qui s’ouvre.

Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM, 15 Mars 2021