MIAMI, 16 Février – Dans le temps, le comportement des officiels devait servir d’exemple aux enfants et aux jeunes. On est un vieux pays, plein de traditions dont plusieurs méritent d’être revues et corrigées certes, cependant c’est aux meilleures que nos actuels dirigeants au contraire s’en prennent, au risque de faire totalement disparaitre ce qui fait le plus profond de l’âme haïtienne, ce qui aussi nous est le plus cher n’ayant jamais été une réussite au plan économique ni technologique – vu que le colonisateur français a emporté avec lui ce qui fut le plus beau fleuron de l’entreprise de colonisation : ‘la perle des Antilles’.
Quoique c’est le même esprit qui se retrouve chez nos tyrans d’aujourd’hui, qui ne font que piller le peu qui reste pour aller enrichir leur patrimoine à l’extérieur, comme ce sénateur membre du parti au pouvoir (PHTK) dénoncé dans la presse canadienne pour l’achat en cash d’une villa pour 4,5 millions de dollars à Laval, au Québec.
Alors que le carnaval de Rio, le carnaval de Venise, le carnaval de Trinidad, le carnaval de Santo Domingo ont tous été annulés pour cause de Covid-19 - l’épidémie qui continue de faire rage partout dans le monde, le président haïtien Jovenel Moïse inaugure son carnaval dans la ville de Port-de-Paix (Nord-Ouest).
Bien entendu dans une débauche de propos de la pire vulgarité et de menaces contre son opposition. Contredisant l’esprit même de cette fête populaire, qui remonte aux premières heures de la nation (1804).
Alors qu’on soupçonne l’actuel pouvoir de se diriger droit vers une nouvelle dictature et que le mot duvaliérisme est sur toutes les lèvres, force est de rappeler que tout ce monde serait depuis longtemps lui aussi dans les cachots sous François Duvalier pour outrage à la culture nationale.
On dit que le défunt Baby Doc aurait dit à un proche, alors que le président Michel Martelly faisait la cour à son fils Nicolas pour un poste au palais national : ‘Autrefois ces gens-là ne seraient même pas ‘gason lakou nan palè’, « on ne les prendrait pas comme garçons de cour quand on était au pouvoir’. »


Et concernant le carnaval, il a raison le ‘bonbonfle’, ou enfant gâté lui-même, succédant à son père à l’âge de 18 ans à la présidence à vie. Oui comme tous le savent, en Haïti on vient de loin ! Tous, sauf un petit groupe d’accapareurs, mais qui ont le support international dit Core Group ou ensemble de puissances qui nous ont toujours tenu sous leur dépendance. A ma botte !
Car le carnaval autrefois et jusqu’au règne Duvalier c’était non seulement beau à voir mais c’est toute l’âme immortelle de la nation qui y coulait. Du plus beau (‘Choucoune’), au plus haï (‘Chaloska’, symbole de la brutalité des régimes sanguinaires), au plus spirituel ou profond (‘Vivi’ ou morts vivants) … Et le défilé des beautés du pays, aussi bien les reines choisies dans les différentes classes sociales que les vedettes du moment (champions en football) que les monuments immortels (en tête bien sûr la Citadelle), etc.
Aujourd’hui quelle mère de famille emmène ses enfants assister au défilé carnavalesque devenu, comme cette semaine à Port-de-Paix ou l’an dernier au Cap-Haïtien, ou aux Cayes (Sud) tout comme à la capitale, un étalage horrible de grossièretés les plus immondes, quelle mémoire reste-t-il pour nos futures générations ?
Faut-il alors s’étonner que en conséquence de tant de vide, de misère aussi bien matérielle que morale et spirituelle, nous soyons devenus aujourd’hui la capitale mondiale du kidnapping et du crime sans faire part, comme cela s’étale partout dans la presse étrangère, y compris maintenant aux devantures des book stores ?
Et cela ne vient pas de groupes d’individus isolés comme cela peut se retrouver sous tous les cieux, non c’est le sommet de l’Etat qui en fait l’étalage et l’assume.
Ce sont ceux-là mêmes qui détiennent le pouvoir et la richesse du pays entre leurs mains, pouvoir qu’ils n’estiment jamais suffisant, et dont ils veulent écarter tous sans exception, aussi bien les autres institutions démocratiques (législatif, judiciaire municipal) que tout autre : églises, presse, milieux d’affaires etc …
Je me souviens qu’enfant on marchait, lors du défilé présidentiel au quartier commercial de Port-au-Prince, tout à côté du président-général Paul Eugène Magloire traversant la ville sur son beau cheval noir tacheté de blanc et que le président nous lançait souriant : ‘Gade non ti moun apa na p fè cheval la pè’ (attention les enfants, vous faites peur au cheval).
Tout cela alimente aussi la transmission des manières de génération en génération, le passage du témoin au plan culturel et national.
Aujourd’hui, en ce moment même, pendant que la presse extérieure tout entière, de l’Alaska à la Terre de Feu, de l’Atlantique à l’Oural, dépeint en long et en large une Haïti dévorée non seulement par la pauvreté la plus inimaginable, les kidnappings et assassinats à la chaine et une crise politique brutale et quasi médiévale, eh bien nos dirigeants dansent …
‘Se trip ma p trip.’
‘Sa k pa kontan, anbake’.
Et attention ce ne sont pas des masques comme au carnaval de Venise mais les dirigeants en chef eux-mêmes et eux-mêmes aussi responsables de la crise ainsi que des malheurs les plus terribles qui frappent les 11 millions de nos concitoyens …
Eux en même temps seuls détenteurs de la fortune nationale …
Cette dernière éparpillée aux quatre vents à l’exemple, en passant, de la villa que s’est payée, en cash (4,5 millions de dollars), le sénateur Rony Mondestin dans la province de Laval, Québec.
Toute la fortune nationale éparpillée aux quatre coins du monde, plus spécialement au Canada, en France, en République Dominicaine voisine, et peut-être aussi aux Etats-Unis malgré la peur du fisc américain.
Et tout cela au vu et au su de la terre entière.
Tout en restant le pays le plus pauvre du monde occidental.
Et, tenez vous bien, avec l’appui politique sans faille de Washington, de l’Union européenne, des Nations Unies, OEA etc !!!
Cependant trop c’est trop.
Voici que les Bahamas viennent de décider, devant l’indifférence cynique des autorités haïtiennes vis-à-vis de la crise de Coronavirus qui fait aussi des ravages dans les pays voisins … de nous mettre tout bonnement à l’index :
Pas d’avion, ni de bateau ni aucun moyen de transport venant d’Haïti ne sera accepté aux Bahamas. Et cela pendant 21 jours à courir du 16 février 2021, clôture du carnaval haïtien.
Pardon du carnaval Jovenel Moïse – Michel Martelly.
Au motif que le carnaval est partout l’un des principaux propagateurs du terrible virus. Pourquoi il a été aboli pour cette année partout ailleurs dans le monde.
Et ce n’est là bien entendu que le commencement.
Haïti dans un cordon sanitaire.
Et cela peut aller bien loin, qui sait.

Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince