Mais la bataille n’est pas terminée …
MIAMI, 15 Septembre – Le président Donald Trump se hâte de donner satisfaction à son électorat alors que la campagne pour la présidentielle du 3 novembre 2020 se fait chaque jour plus serrée.
L’anti-immigration est comme on sait un de ses thèmes de prédilection. Depuis son arrivée à la Maison blanche en février 2017, l’élu Républicain ne cesse de marteler aux oreilles de ses fanatiques : l’Amérique aux Américains !
On en connait les différentes étapes : l’arrêt radicalement de l’arrivée des caravanes de migrants sud-américains par la frontière avec le Mexique ; la construction à coups de milliards du fameux ‘Mur’ devenu le symbole de cette bataille ; le dossier DAKA (‘Defered Action for Childhood Arrivals’) ou ces ressortissants arrivés tout jeunes dans le pays et abandonnés sur place par leurs parents alors que ceux-ci étaient expulsés … et la question TPS (‘Temporary Protected Status’ ou Statut de Protection Temporaire).
Le lundi 14 septembre est sortie une décision judiciaire en vertu de laquelle les bénéficiaires du TPS pour 4 pays doivent faire leurs bagages et retourner dans leur pays d’origine.
Parmi eux plusieurs dizaines de milliers de ressortissants haïtiens (quelques 23.000 seulement en Floride, environ 46.000 dans tous les Etats-Unis) qui ont été admis dans ce pays au lendemain du séisme qui a détruit une grande partie d’Haïti le 12 janvier 2010, faisant pas moins de 200.000 morts.
Qu’est-ce que le TPS ?
Traduisez par ‘Statut de Protection Temporaire’, c’est une disposition relevant du président des Etats-Unis et qui permet à celui-ci, face à une situation d’urgence dans un pays étranger, de pouvoir accueillir des ressortissants de ce pays et leur offrir un abri … mais temporaire comme le nom le dit.
Le président Démocrate Barak Obama avait décidé, face aux dommages monstrueux, à la fois matériels et humains, laissés par le séisme du 12 janvier 2010 en Haïti d’accorder le TPS aux Haïtiens qui ont débarqué aux Etats-Unis sans aucun visa réglementaire dans les mois qui ont suivi.


Puis la mesure a été renouvelée depuis.
Arrive le président Donald Trump et sa campagne anti-immigration. Très rapidement la nouvelle administration demande la cessation du TPS.

Ce genre de verdict stipule que l’amélioration des conditions dans leur pays d’origine suite aux événements qui avaient nécessité leur déplacement, permet aujourd’hui le rapatriement des bénéficiaires de cette mesure ...

Bien sûr il ne s’agit pas seulement d’Haïtiens. La mesure concerne aussi bien des ressortissants d’autres pays sud-américains ainsi que d’Afrique.
La décision annoncée lundi touche les ‘TPS’ d’Haïti et de trois autres pays : le Salvador, le Nicaragua et le Soudan.
En gros ce genre de verdict stipule que l’amélioration des conditions dans leur pays d’origine suite aux événements qui avaient nécessité leur déplacement, permet aujourd’hui le rapatriement des bénéficiaires de cette mesure.
Ce sont les ‘TPS’ qui avaient porté eux-mêmes la question par devant la justice face à la décision du gouvernement américain d’y mettre fin.
Le procès, présenté sous la dénomination symbolique de ‘Ramos contre Nielsen’, a donc été perdu par les bénéficiaires de la mesure.
On s’attend que l’administration Trump publie dans les semaines à venir une demande officielle, assortie d’un calendrier invitant ces derniers à regagner leur pays d’origine.
Sous peine de tomber dans l’illégalité.
L’illégalité signifie plus de permis de travail et la possibilité d’être arrêté à n’importe quel moment pour être jeté en prison, puis déporté de force.
Que faire ?
Les organisations de défense de la cause sont déjà en action. A Miami avec en tête FANM (pour Family Action Network in Miami).
Première réaction : mobilisation communautaire. Sensibiliser les concernés autour des moyens si ce n’est d’annuler la décision mais au moins de gagner du temps autant que possible.
Une conférence via Zoom (à cause du Covid-19) était prévue dès le lendemain mardi 15 septembre.
Cependant ce n’est pas la première fois que la communauté haïtienne est confrontée à ce genre de défis.

C’est le Haitian Refugee Center Inc., dirigé par le défunt Père Gérard Jean Juste, qui livra et gagna cette bataille …

Un peu d’Histoire. Dans les années 1970, après la défaite électorale du président Démocrate Jimmy Carter qui avait accueilli les réfugiés haïtiens au même titre que les Cubains, le président républicain Ronald Reagan fit arrêter tous les nouveaux arrivants haïtiens.
A l’époque c’est le Haitian Refugee Center Inc., dirigé par le défunt Père Gérard Jean Juste, qui livra cette bataille.
Avec à sa tête un brillant jeune avocat, d’origine juive, nommé Ira J. Kurzban, la défense légale des réfugiés haïtiens va remporter deux victoires : d’abord devant le tribunal fédéral à Miami ; puis devant la Cour suprême à Washington.
Les dizaines de milliers de ressortissants haïtiens qui avaient été enfermés dans les prisons de l’immigration aussi bien à Krome Avenue (Miami) qu’à Fort Allen, Porto-Rico recouvrèrent tous la liberté.
C’est la naissance de Little-Haïti, le quartier haïtien de Miami.
Aujourd’hui les ‘TPS’ viennent de perdre la première manche, le procès devant la justice fédérale.
Il reste la possibilité de porter la question par devant la Cour Suprême. D’autant plus qu’il ne s’agit pas seulement d’Haïtiens mais aussi de pays comme le Nicaragua et le Salvador donc appartenant à la communauté hispanique bien plus puissante que la nôtre.

Par le lobbying sensibiliser un nouveau Congrès à la cause de tous les immigrants n’ayant pas un statut permanent …

Cependant les défenseurs de la cause haïtienne pensent peut-être pour le moment davantage aux présidentielles du 3 Novembre prochain.
Le candidat Démocrate Joe Biden a promis une considération disons plus rationnelle de la question des immigrants alors que pour Mr. Trump c’est une arme électorale.
Mais côté élections, le plus à espérer est un changement au sein du Congrès. Si les Démocrates venaient à consolider encore plus leurs forces à la Chambre des représentants où ils sont actuellement majoritaires, par une percée importante aussi au Sénat (actuellement dominé par les Républicains), cela permettrait par le lobbying de sensibiliser le Congrès à la cause des TPS (surtout nous rappelons qu’il ne s’agit pas seulement d’Haïtiens).
Car la meilleure façon d’en sortir c’est une loi d’amnistie qui viendrait régler une fois pour toutes la situation pour ces plusieurs centaines de milliers d’immigrants n’ayant pas un statut définitif : TPS, DAKA, travailleurs sous contrat, spécialistes dans telle branche ou telle autre dont l’administration Trump a annulé également le permis de séjour et autres.
C’est le Congrès qui vote l’amnistie. Mais il faut beaucoup de travail pour arriver à intéresser celui-ci à une telle cause qui n’entre pas dans ses préoccupations habituelles.
Mais ce n’est pas fini.
Le président Trump a dû jouer des pieds et des mains pour que au moins le jugement ‘Ramos vs. Nielsen’ soit publié cette semaine alors qu’il entre dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle et pour le renouvellement de son mandat auquel il tient comme on l’a rarement vu chez un élu aux Etats-Unis.

Puisque c’est politique c’est là que cela concerne aussi … le gouvernement haïtien …

Même si elle est d’origine judiciaire c’est sur le fond une décision ‘politique’ que celle du rapatriement dans leur pays des bénéficiaires du TPS.
Et qui mérite donc un traitement également politique.
Le thème anti-immigration ne concerne pas tellement la Floride où avoisinent différentes communautés issues de l’immigration, mais plutôt les Etats du Middle West, le heartland, le pays conservateur par excellence, et qui constitue le socle électoral de Mr. Trump.
Par contre puisque c’est politique c’est là que cela concerne aussi … le gouvernement haïtien.
On sait celui-ci bénéficiant du support de l’actuel hôte de la Maison blanche. Mais aussi vice versa.
Est-ce que le président Jovenel Moïse, de la même façon qu’il vient encore de consentir le vote haïtien pour l’élection du candidat de Mr. Trump au poste de président de la BID (Banque interaméricaine de développement), Mr Mauricio Claver-Carone, Jovenel Moïse prendra-t-il partie en faveur des TPS haïtiens en expliquant que Haïti, de toute évidence, n’est pas encore prête à accueillir ces derniers mais que de plus, leur contribution à l’économie nationale n’est pas négligeable aujourd’hui plus que jamais ?
Bien sûr le Département d’Etat ne manquera pas de faire remarquer au gouvernement haïtien qu’il s’agit d’une décision judiciaire dont la politique ne peut pas se mêler, mais le président haïtien aura-t-il le courage de répondre : pardon mais c’est vous qui avez commencé à en faire de la politique puisque c’est avant tout un avantage électoral que vous recherchez !
Une affaire donc à suivre.

Marcus - Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince