Sans élections : pouvoir total et immobilisme !

JACMEL, 9 Novembre - Des inondations ont frappé le pays durant le week-end de la Toussaint (1er-2 Novembre) provoquant environ 12 morts dans le seul département du Nord, particulièrement dans le chef-lieu, Cap-Haïtien, et les commune avoisinantes.
Deux jours plus tard, le président Michel Martelly et le premier ministre Laurent Lamothe étaient sur place.
On a procédé à une large distribution de kits alimentaires et le gouvernement a annoncé des fonds de l’ordre de 34 millions de gourdes pour faire face aux conséquences des intempéries. C’est vraiment peu.
Le ministre de l’Intérieur et des collectivités territoriales et la DPC (Direction de la Protection Civile) ont assuré la gestion desdites urgences.
Cependant dans ce département comme ailleurs dans le pays, l’appellation de catastrophes naturelles n’est qu’une formule, ces déboires sont bien plus la conséquence de la gestion de son environnement par l’homme haïtien.
Outre les travaux d’infrastructures jamais accomplis ou restés depuis longtemps en suspens.

La montagne a accouché d’une souris …
On est étonné que les chefs de l’exécutif ni les autorités locales et départementales n’en aient fait cette fois aucune mention dans leurs déclarations ou dans les communiqués officiels.

Pas étonnant quand le chef de l’Etat se fait accompagner de son ministre à la communication (autrement dit la propagande) et que sont absents les véritables concernés : en premier lieu, les titulaires des travaux publics, de l’environnement, de l’agriculture. 
Ensuite, le pouvoir central doit être obligatoirement suppléé par les autorités sur le terrain.
Par conséquent, la montagne a accouché d’une souris. La visite de solidarité aux populations affectées annoncée par le pouvoir, et en la personne du président et du premier ministre en personne, consistera en tout et pour tout en une distribution de ‘manger sinistré’ mais les problèmes sérieux, ceux qui sont à la base de la faiblesse des infrastructures occasionnant ces débordements dans la deuxième ville du pays, accompagnés d’inondations et d’éboulements qui font plus d’une dizaine de morts, sont passés inaperçus.

 

Pouvoir encore plus centralisé qu’autrefois …
Ce fut le contraire aux Gonaïves, en 2004, année du Bicentenaire de l’Indépendance, après les terribles inondations au cœur de cette métropole du département de l’Artibonite, avec des dizaines de cadavres flottant dans les rues de la ville et la population obligée de se réfugiée sur le toit des maisons, on vit le pouvoir central se démener pour entreprendre de grands travaux qui ont depuis protégé cette ville contre pareils cataclysmes. 
Et si aujourd’hui c’était parce que le pouvoir est encore plus centralisé qu’autrefois qu’il semble aussi dépourvu. Pas seulement en moyens mais également de véritables objectifs.
Un pouvoir qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains, se condamne en quelque sorte à l’immobilisme.

Sans élections, pouvoir inerte …
Ce qui nous ramène aux élections qui se font attendre depuis trois années. On parle beaucoup des sénatoriales, voire déjà des présidentielles de 2015, mais presque pas des municipales et locales …
Or la question que nous évoquons traduit toute leur importance. A la fin du mandat des responsables municipaux et locaux en 2011, le pouvoir Martelly s’est empressé de nommer des gens à lui pour les remplacer. Et comme le permet la Constitution. Mais c’est le temps que des élections soient organisées pour leur remplacement par de nouveaux élus. Entre 3 et 6 mois. Mais ces élections se font toujours attendre trois années plus tard. Et ce sont des créatures du chef de l’Etat qui continuent à gérer les régions, chefs lieu et communes du pays. De la capitale, Port-au-Prince, jusques aux contreforts de la République. 
Gérer en droite ligne, bien entendu, des consignes reçues du pouvoir en place et non dans le cadre de l’équilibre des pouvoirs, comme le veut la Constitution.

‘Gouvènman an lakay ou’ …
Bref le pays ne bouge que quand le président ou son premier ministre annonce leur arrivée quelque part. Tambour et trompettes. ‘Gouvènman an lakay ou’. Distribution de kits alimentaires, de motos et de tablettes numériques.
Ainsi la propagande l’emporte sur les problèmes d’infrastructures et de l’environnement.
Ces derniers trop sérieux et nécessitant une vraie planification. Par contre les promesses de projets touristiques à tort et à travers sont, disons, plus ‘fancy’. Pour un pouvoir d’abord soucieux de l’image que de tout le reste.
Or bien entendu les pouvoirs locaux ne sont pas faits pour constituer une caisse de résonnance, un simple relais de propagande pour le pouvoir central. 
Ils ont pour mission essentielle, par une approche plus directe des problèmes de leur région, de servir de courroie de transmission de ces derniers auprès de l’Exécutif qui procède à la répartition du budget national.

Le pouvoir absolu corrompt absolument !
Mais cela n’existe plus aujourd’hui à tel point que ce sont les députés qui administrent le budget des communes, cela évidemment dans une entente complice avec le pouvoir exécutif qui s’assure ainsi le vote de ces derniers en sa faveur. 
Conclusion : voici les municipalités élues qui, en attendant de nouvelles élections mais celles-ci renvoyées aux calendes grecques, sont remplacées depuis trois ans par des personnages aux ordres du pouvoir. Pensez-vous alors que celui-ci serait pressé de tenir des élections sérieuses ! Cependant, comme le montre l’exemple du Cap Haïtien cette semaine, ce sont les problèmes sérieux qui sont passés par-dessus (voire par-dessous) la jambe, c’est le précipice qui s’ouvre chaque jour toujours plus.
Le pouvoir corrompt, mais plus le pouvoir est total, absolu, plus il corrompt absolument !
Cependant, corruption légale ! Scratch my back …
La Constitution permet à l’Exécutif de remplacer les élus communaux et locaux à la fin de leur mandat mais jusqu’aux élections fixées entre 3 et 6 mois.
Dans le cas contraire c’est un détournement de la Constitution, une main basse sur le pays. Une forme de dictature sans le nom.
Mais de cela on n’entend pas beaucoup nos ‘sénateurs’ entretenir le public suffisamment.

Haïti en Marche, 9 Novembre 2014